En Birmanie, les sœurs salésiennes au cœur d’un des plus grands bidonvilles de Yangon…
17 mars 2022
En Birmanie, au coeur d’un des plus grands bidonvilles de Yangon, en plein milieu bouddhiste, les sœurs salésiennes accueillent les très jeunes enfants livrés à eux-mêmes durant la journée. Elles soutiennent les familles, enseignent les pratiques d’hygiène, une alimentation équilibrée, les valeurs éthiques et religieuses.
Ma Sa Bae a cinq ans. Dès le matin, elle court chez les sœurs. Le chemin est bordé de misérables cahutes faites de bambous, de morceaux de bois et de toiles de plastique, souvent sur pilotis, sous lesquelles stagne une eau putride. Sa maman est partie vivre avec un autre homme, et son père, qui vit avec une nouvelle partenaire, se préoccupe peu de sa fille. Ses grands-parents s’occupent d’elle, mais ils sont vieux et sans ressource. Pour la gamine, la « Children’s house » est une oasis d’insouciance.
Quand la vie est si dure…
Beaucoup d’enfants sont dans le cas de Ma Sa Bae, confiés aux grands-parents, parce que les familles sont défaites, parce que papa et maman passent toute la journée dans les champs et les rizières, ou dans les ateliers de confection, pour des salaires de misère. Alors, les enfants traînent dans les rues et ne vont pas à l’école. De toute façon, les parents n’ont pas l’argent nécessaire pour payer les taxes, les uniformes et le matériel scolaires.
Le pays vit sous une dictature militaire depuis des décennies et l’économie est en ruine. La plus grande partie de la population n’a aucune instruction, elle est donc sans espoir d’améliorer les conditions de vie. Toute cette force de travail est exploitée dans des conditions inhumaines, dans les cultures ou les ateliers de confection. Les loyers sont trop élevés, les familles s’entassent à cinq ou dix personnes dans des appartements de 9 m2, alors, ils construisent des baraques. Pour survivre, beaucoup cherchent des petits boulots en plus de leur journée de travail : vente de légumes, travail dans un snack, faire des lessives,…
Le cyclone, qui a dévasté le pays en 2008, laisse encore des traces. Beaucoup de paysans ont quitté alors leurs villages complètement détruits pour s’entasser dans ce faubourg de Rangoon, ville qui compte quatre à cinq millions d’habitants : le bidonville de Hlaing Thar Yar en compte à lui seul 700.000.
Priorité aux enfants, aide aux familles
Les Filles de Marie Auxiliatrice y sont allées habiter en 2016. Les cinq sœurs accueillent une centaine d’enfants de trois à sept ans auxquels elles assurent le logement et la nourriture. Ces mômes souffrent de malnutrition et de maladies à cause des conditions de vie malsaines. L’après-midi, cent autres viennent s’ajouter pour un soutien scolaire. Environ soixante-dix enfants suivent un chemin de connaissance de la religion chrétienne. D’autres reçoivent une aide dans la recherche d’un parcours de formation. Depuis 2019, une nouvelle construction permet d’accueillir les enfants dans un bâtiment bien conditionné, qui sert d’école. Les sœurs projettent d’organiser une école élémentaire année après année. Le samedi, cent cinquante enfants passent leur temps libre au « Centre Jean Bosco » qui fait « oratoire » à la salésienne.
Les sœurs de Don Bosco visitent les familles de la paroisse et apportent leur aide, en inculquant les gestes d’hygiène : le traitement des ordures est particulièrement important, puisqu’il n’existe pas d’égouts. A la saison des pluies, les eaux souillées envahissent tout, sources de germes, de moustiques, envahies par les serpents et les rats. Les sœurs ont déjà donné accès à l’eau potable pour mille huit cents familles ; et le programme continue.
Eduquer pour donner des chances à l’espoir
La pandémie de coronavirus a frappé durement cette population à hauts risques, puisque les familles s’entassent dans les cabanes étroites, avec des conditions d’hygiène inimaginables. En outre, à cause des restrictions imposées pour éviter la diffusion, beaucoup de gens sont sans travail ; ils ne peuvent plus faire face aux dépenses quotidiennes. Les familles n’ont rien à manger. Les sœurs font ce qu’elles peuvent et réussissent à fournir des vivres grâce aux dons venus principalement d’Allemagne et d’Autriche. Elles offrent du riz, de l’huile, des oignons, des œufs, du thon en boîte, des pâtes, des piments en poudre, du café, des boissons nourrissantes. Elles cherchent un équilibre entre une distance respectueuse et une proximité attentive. Les personnes concernées viennent au centre selon un programme préétabli pour recevoir les stocks de nourriture. Les sœurs consacrent tout le temps nécessaire à l’écoute de chacun pour affronter les craintes et les préoccupations.
Elles ont pris conscience que leur école maternelle est une grande bénédiction pour les familles : les enfants peuvent jouer, étudier et être pleinement eux-mêmes, tandis que les parents sont rassurés parce que quelqu’un veille sur les petits. La clé pour améliorer la vie de ces bambins, c’est une oeuvre éducative complète. Les difficultés sont nombreuses, mais les sœurs gardent l’espoir d’y arriver.
Article tiré du bulletin salésien italien – février 2021,
traduit par Jean-François MEURS
Présences salésiennes
Les sœurs salésiennes sont au Myanmar depuis vingt-cinq ans, avec vingt-sept sœurs réparties en cinq communautés, qui appartiennent à la Province « Cambodge-Birmanie ».
Les salésiens sont une quarantaine, dans huit communautés actives, constituées en quasi Province depuis 2004. Ils animent des paroisses, des centres de jeunes et des activités de quartier. Ils visitent les prisons, organisent des centres d’apprentissage professionnel et des maisons de formation pour les vocations.
Un pays dans la tourmente
Myanmar (ex Birmanie) est l’un des plus pauvres pays d’Asie. On estime sa population à 56 millions d’habitants; la capitale est Naypyidaw, et les villes principales Yangon (Rangoon) et Mandalay. Après des années de dictature militaire, depuis 1962, le pays semblait se libéraliser depuis 2010, sous la direction de la militante des droits de l’homme Aung San Su Kyi, dont le parti a connu une éclatante victoire en novembre 2020. Un coup d’Etat militaire, le 1er février, a tout remis en question, et provoqué de violents affrontements, notamment le samedi 27 mars dernier : il y eut de nombreux morts parmi les étudiants et aussi des enfants, et beaucoup d’incarcérations. Le peuple birman résiste, courageux. En attendant, c’est le chaos et une catastrophe pour l’économie.