Père Jean-Marie Petitclerc : Apprendre à renoncer
5 septembre 2022
Le dimanche 4 septembre sur la chaîne Le jour du Seigneur, père Jean-Marie Petitclerc, salésien de Don Bosco, prononçait l’homélie au monastère des Bénédictines de Sainte-Bathilde à Vanves ; un texte pour nous apprendre à aimer à la manière de Jésus-Christ, en renonçant à la tentation de vouloir tout contrôler.
Sans doute vous est-il déjà arrivé de constater qu’entre le contenu du message que vous souhaitiez adresser et la manière dont il a été entendu et mis en œuvre, il puisse exister un écart important, lié à une interprétation divergente. Un tel constat vaut aussi pour le message évangélique : « Qui peut comprendre la volonté du Seigneur » proclamait déjà en son temps l’auteur du livre de la Sagesse.
Dans la page d’évangile que nous venons d’entendre, Jésus nous met en garde contre deux risques que pourrait générer une mauvaise interprétation de son enseignement.
Le premier consisterait dans le développement d’un amour possessif vis-à-vis de son prochain. « Celui qui ne renonce pas à son père, sa mère, ses enfants, ses frères et sœurs n’est pas digne de moi ! » Jésus serait-il devenu jaloux de nos amours humaines ? Je ne le pense pas, puisqu’il ne cesse de nous dire, tout au long de son évangile, que le commandement qui surpasse tous les autres consiste à nous « aimer les uns, les autres, comme il nous a aimé. » La spécificité de son message réside dans cette conjonction « comme », car il peut exister de multiples manières d’aimer.
Et ce que Jésus dénonce ici, c’est un lien familial qui serait signe de fermeture. Car il est une manière de parler de « ma » femme, « mon » mari, « mes » gosses qui peut sous-entendre une volonté de possession. Dans la pratique de mon métier d’éducateur spécialisé, j’ai rencontré beaucoup d’enfants qui souffraient intensément de ne pas être aimés, mais j’en ai rencontré d’autres qui, eux, souffraient d’être trop aimés, mais dans une relation tellement fusionnelle qu’elle les empêchait de pouvoir grandir. Aimer à la manière de Jésus consiste à toujours respecter l’autre dans sa dimension de sujet. N’est-ce pas d’ailleurs la demande que Paul formule, dans sa brève lettre adressée à son ami Philémon : qu’il ne considère plus Onésime comme un esclave, mais comme un véritable frère !
Le deuxième risque consisterait à développer un rapport à Dieu qui nous permettrait de nous dédouaner de tous nos efforts, l’Esprit Saint suppléant à tout. Dans l’histoire de ce bâtisseur de tour qu’il nous raconte, Jésus insiste sur la nécessité de bien préparer le chantier, y compris dans sa dimension financière. Croire en l’Esprit Saint ne signifie pas se dispenser de sa tâche d’homme, en prétextant qu’il opère à notre place.
En cette période de rentrée des classes, j’aime rappeler aux collégiens et lycéens que, s’ils doivent préparer un contrôle, mieux vaut travailler la veille la matière concernée, plutôt que de se contenter d’aller prier Dieu le matin à la chapelle !
Pour revenir à l’exemple du bâtisseur de tour, Jésus insiste sur la nécessité, – et cela est vrai pour tout projet-, de réfléchir au plan de financement avant de se lancer dans l’action. Sinon mieux vaut peut-être renoncer au projet. Ainsi Jésus dénonce un style de rapport à l’Esprit Saint, qui déresponsabiliserait totalement l’homme.
Et Jésus de conclure alors sur la nécessité du renoncement. Être capable de renoncer à un projet lorsque l’on comprend qu’il ne peut aboutir, être capable de renoncer à un esprit de possession.
Oh ! Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de renoncer pour renoncer, mais de renoncer pour goûter le vrai bonheur. Comme Luc le dira dans le second livre qu’il a écrit, celui des Actes des Apôtres, « il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir ! » N’est-ce pas ainsi qu’il résume le message de Jésus ?
N’allons jamais chercher autre chose, dans une page d’évangile, qu’un chemin de bonheur !
N’est-ce pas, mes chères sœurs, qui fêtez le centième anniversaire de votre fondation par Mère Sainte Bathilde, le sens des vœux que vous avez prononcés en entrant dans la vie monastique. Renoncer au plaisir de l’avoir pour goûter le véritable bonheur d’être.
Combien, dans cette société d’aujourd’hui qui voudrait nous faire croire, à coup de publicités tapageuses, que le bonheur pourrait s’obtenir à coup d’acquisition des objets convoités ? Cette invitation au renoncement, si elle est bien comprise, peut être source du vrai bonheur !