Baden-Powell et Don Bosco, rencontre inattendue entre deux maîtres de la jeunesse
20 mars 2024
Adjoint au chef d’établissement au sein de l’ensemble scolaire Don Bosco de Nice, Philippe Colomb est aussi engagé chez les Scouts et Guides de France (SGDF) depuis de nombreuses années. Ce vendredi 29 mars 2024, il publie Don Bosco et Baden-Powell, deux précurseurs pédagogiques aux éditions Presses Ile de France (PIF). L’ouvrage est préfacé par le père Xavier de Verchère, salésien, aumônier national des SGDF.
Philippe, vous travaillez dans le réseau salésien depuis de nombreuses années. Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Destiné à travailler dans l’électricité après un BEP, j’ai eu l’opportunité de changer d’orientation professionnelle en devenant éducateur dans une maison d’enfants à caractère social. J’ai ensuite intégré l’enseignement catholique comme surveillant puis animateur en pastorale scolaire et enfin CPE *. Après une vingtaine d’années dans un établissement niçois, j’ai pu intégrer la Fondation Don Bosco de Nice en 2006 et y animer la vie scolaire au service des 1600 élèves que nous accueillons. Parallèlement, j’ai occupé mes loisirs à diriger des colonies de vacances, et à faire de l’animation dans le scoutisme. Education populaire d’un côté, éducation nationale de l’autre, ce sont les deux piliers qui me font avancer chaque jour…
Vous connaissiez Don Bosco avant d’arriver dans le réseau ?
J’ai eu la chance d’aller à Turin quand j’avais 12 ans et d’y découvrir la vie de Don Bosco. A 16 ans, ayant compris que l’école n’était pas faite pour moi, je suis rentré une première fois à Don Bosco Nice comme élève pour y apprendre le métier d’électricien. J’étais loin d’imaginer que 20 ans plus tard, j’y reviendrais comme salarié. C’est en travaillant dans l’enseignement catholique pour accompagner les jeunes à bâtir un parcours de vie que la pédagogie salésienne m’est revenue en mémoire et m’a parue une évidente réponse aux difficultés des jeunes.
Et le scoutisme, comment l’avez-vous découvert ?
C’est un camarade qui m’a demandé d’encadrer son camp scout à l’été 1978 et qui m’a fait mettre un doigt dans l’engrenage. Depuis, je n’ai plus quitté le mouvement. Chef Rangers (à l’époque) je me suis formé à l’animation de jeunes, ce qui m’a permis de passer mon BAFA puis mon BAFD et d’encadrer aussi des colonies. Responsable de groupe local dans le quartier du port à Nice, puis commissaire départemental, j’ai vécu la fusion des deux mouvements (Scouts de France et Guides de France) en 2004. J’ai intégré l’équipe nationale formation et contribué à la mise en place du nouveau plan de formation et à la rédaction des cahiers de charges et des contenus des stages à destination des chefs et cheftaines. Toujours actif chez les SGDF, je représente la fédération du scoutisme français sur les Alpes Maritimes en permettant aux différents mouvements de se rencontrer et de vivre la fraternité lors de rassemblements annuels.
Parlons du livre maintenant : comment vous est venue l’idée ?
Cette double imprégnation par Baden-Powell dans mes loisirs et Don Bosco dans ma vie professionnelle a façonné mon savoir-être. Face à la détresse sociale des jeunes que je côtoie au quotidien, ma réponse éducative s’est façonnée dans un mélange de méthode scoute et de système préventif cher à Don Bosco. Mon management de chef de service transpire la méthode scoute en permettant à chacun de prendre des responsabilités, en favorisant une vie d’équipe et un partage constructif. Souvent, je me suis demandé ce que Baden-Powell ou Don Bosco aurait fait face à telle ou telle situation. Et peu à peu a germé l’idée d’une rencontre improbable entre ces deux éducateurs et un échange sur leur vision de l’éducation. Les différents chapitres du livre se sont déroulés naturellement en puisant dans les nombreux écrits de ces deux pédagogues.
Sans trop en dire sur le livre, comment qualifieriez-vous les principaux points communs entre Jean Bosco et Baden-Powell ?
Vous le découvrirez au fil des pages, mais je peux vous citer le jeu et la vie dans la nature. Tous les deux en ont fait un moteur de l’éducation. Pour Baden-Powell, le jeu est le premier éducateur. Pour Don Bosco, tout se passe dans la cour de récréation. La vie d’équipe est un pilier de la méthode scoute, et sans elle Don Bosco ne conçoit pas d’encadrement efficace par les éducateurs en charge des jeunes qu’ils accueillent.
Je pourrais aussi évoquer la spiritualité qui semble évidente pour Don Bosco du fait de son statut de prêtre, mais plus surprenante pour Baden-Powell, ancien général de l’armée britannique qui pourtant attache une grande importance à cette dimension religieuse et spirituelle. Toujours avec un sens pratique, sortant d’un apprentissage « scolaire » de la religion (par le catéchisme) mais plus dans l’émerveillement de la richesse du monde, ou de la beauté de la nature qui inspire notre vie à plus grand que nous.
Et les principales différences ?
L’un est prêtre, l’autre est militaire ; l’un est catholique, l’autre est protestant ; l’un est déterminé dès l’âge de 9 ans, à travers un songe, à consacrer sa vie aux autres, l’autre « invente » le scoutisme après 50 ans et une vie militaire bien remplie. Mais tout cela est très anecdotique… je ne sais pas s’il y a de grosses différences entre les deux, ou je ne suis pas le bon interlocuteur pour les trouver, puisque je me suis attelé dans cet ouvrage à trouver les similitudes et les concordances entre les deux !
Robert Baden Powell avait 31 ans quand Jean Bosco est décédé et la renommée de celui-ci était alors quasi mondiale. Sait-on si Baden-Powell le connaissait, au moins de nom ?
Il est certain que Baden-Powell a bénéficié d’une vague d’innovations pédagogiques naissantes et inspirantes appelée « éducation nouvelle ». Maria Montessori ouvre sa première maison d’enfants en 1907, l’année où Baden-Powell lance son premier camp scout ! Alexander Neill, fondateur de l’école de « Summerhill », n’est pas loin non plus… Baden-Powell a-t-il entendu parler de Jean Bosco ? Je n’en sais rien. Je n’en ai pas trouvé trace dans ses écrits, mais je n’ai pas tout lu, tellement sa production est grande. Il s’est surtout inspiré de son expérience et de sa fine observation des hommes et des choses…
Propos recueillis par Benoit DESEURE
* CPE : le conseiller principal d’éducation seconde le chef d’établissement dans l’organisation de la vie scolaire.
Don Bosco et Baden Powell, deux précurseurs pédagogiques, Philippe COLOMB, éditions Les Presses d’Ile-de-France, 25 mars 2024, 112 p., 18€.