Camille Costa de Beauregard béatifié à Chambéry : “Nous les aimons beaucoup et ces bons enfants le comprennent”

12 avril 2025

Camille Costa de Beauregard béatifié à Chambéry : “Nous les aimons beaucoup et ces bons enfants le comprennent”

Depuis Pauline Jaricot en mai 2022, l’Eglise de France n’a pas connu de nouveau Bienheureux. Le 17 mai, Camille Costa de Beauregard sera béatifié à la cathédrale de Chambéry. Ce prêtre savoyard n’a jamais fait partie de la Société de saint François de Sales (le nom choisi par Don Bosco pour nommer la congrégation qu’il créa). Alors, en quoi les Salésiens sont-ils concernés ?

En 1954, les Salésiens sont appelés à Chambéry, pour prendre en charge l’orphelinat du Bocage, une œuvre fondée par Camille Costa de Beauregard. Ils héritent d’une maison qui abrite un groupe d’enfants, de vastes terrains, mais aussi de la Cause en canonisation du Fondateur, engagée depuis trente ans (1925). Le père Chambe, premier directeur salésien, découvre alors la personnalité de ce prêtre diocésain dont la réputation de sainteté n’a pas cessé depuis son décès.

Camille Costa de Beauregard naît en février 1841, dans une famille noble de Savoie. Son père, le marquis Pantaléon, est un très riche propriétaire, Grand Ecuyer du roi de Piémont-Sardaigne, Charles Albert. Il siège au Parlement de Turin où il s’oppose régulièrement à un certain Cavour, plutôt anticlérical. Il militera d’ailleurs, en 1860, pour le rattachement de la Savoie à la France, plus tolérante. C’est un homme très cultivé et ouvert aux arts. Son épouse, la marquise de Vérac, descendante des Noailles, est une femme au caractère bien trempé qui, marquée par des événements familiaux douloureux, élève ses enfants « à la dure » et dans un contexte religieux très strict. La famille vit au château de La Motte-Servolex, près de Chambéry, au cœur d’un grand parc arrosé par une petite rivière et un étang.

Le jeune Camille est le cinquième enfant d’une fratrie qui en comptera neuf. Son parcours scolaire est tourmenté : il est d’abord confié à un précepteur ; puis à 9 ans, part en pension à La Motte ; à 11 ans, il est chez les jésuites de Brugelette, en Belgique ; – à 13, à Vannes, toujours chez les jésuites, où il contracte une très grave maladie, avec des séquelles durables. A 15 ans, le voilà à Toulouse (encore les jésuites) avant, enfin, un retour au château avec un précepteur, l’abbé Chenal, qui sera à ses côtés durant des décennies.

Attiré par les soirées mondaines, toujours vêtu du dernier chic, Camille vit une période de doute, une crise profonde qui l’amène à abandonner presque toute pratique religieuse. Il reste fidèle, cependant, à la prière du « Souvenez-vous » (prière à Marie). L’abbé Chenal l’accompagne sans le brusquer. Un jour, un songe étrange se produit. Il est à Paris, sort d’une soirée mondaine, en compagnie de ses parents. Deux enfants en haillons, sur le trottoir, tendent la main pour recevoir une pièce. Camille leur fait l’aumône et monte en voiture. Bercé par les cahots, il s’endort. Dans un rêve, il se voit accueillir ces deux garçons, les éduquer et leur donner un métier. Puis d’autres viennent, nombreux. Se voyant débordé, il se réveille, troublé. Dès lors, son comportement commence à changer, ses lectures deviennent plus sérieuses. Et voilà qu’un jour, dans la cathédrale de Chambéry, c’est l’illumination ! Il retrouve le Dieu qu’il fuyait, verse de douces larmes (comme il le dit lui-même) et entend l’appel au don total dans le sacerdoce.

Après une retraite, il entre au Séminaire français de Rome, en septembre 1863. Il a bien du mal à renoncer à ses goûts de luxe et l’austère soutane, dont il est désormais revêtu, est bien difficile à porter. L’abbé Chenal, qui l’a accompagné dans la ville sainte, lui offre, un jour, un tableau représentant Benoît Labre, le pauvre hère, mort dans le dénuement le plus complet, en lui disant : « C’est jusque-là qu’il faut aller ! » Camille a compris la leçon. Il se tourne d’abord vers les enfants d’un quartier pauvre de Rome, puis, en juin 1867, de retour à Chambéry, une fois prêtre, il demande à son évêque, un poste de quatrième vicaire à la cathédrale, sans solde ni logement, pour se mettre au service des ouvriers. Il fonde d’ailleurs, pour eux, une « Société de Secours Mutuel-Saint François de Sales”.

Quelques mois seulement après sa nomination, le choléra survient en ville et décime des familles entières. Les orphelins se multiplient et se retrouvent à la rue. Le cœur de Camille ne peut rester insensible. Il en accueille quelques-uns dans le deux-pièces qu’il occupe. Cela ne peut durer, d’autant que d’autres petits appellent au secours. Le comte de Boigne, bienfaiteur de la ville de Chambéry, lui propose l’ancienne maison des douanes, dont il est propriétaire. En 1868, avec l’abbé Chenal, il emménage au Bocage.

Commence alors l’œuvre de sa vie, au service des enfants privés de parents ; c’est là que l’humble travail près des petits va le conduire à une sainteté reconnue par tous ses contemporains, y compris les anticléricaux. Du matin au soir, au service de ses jeunes, il développe une pédagogie héritée de saint François de Sales (« Rien par force, tout par amour »), très proche de celle de Don Bosco, auquel il a rendu visite, en 1869, à Turin. Le pilier central de cette pédagogie en est l’affection : « On m’a souvent demandé quel système, quelle méthode spéciale nous employions pour former ainsi nos enfants. Quelqu’un même me disait, un jour : « Quel est donc votre truc pour élever si bien vos jeunes gens ? » Notre secret est bien simple, ai-je répondu, pas compliqué du tout, nous les aimons beaucoup et ces bons enfants le comprennent ; et c’est, sans doute, cette affection qui nous fait trouver les meilleurs moyens d’arriver à leur cœur, à leur raison, pour les bien former ».

Une vie entièrement donnée, dans une charité sans borne, une pauvreté choisie et une humilité à nulle autre pareille. Voilà Camille Costa de Beauregard ! A 69 ans, usé par les soucis, miné par une santé défaillante, il s’éteint à l’aube du 25 mars 1910, Vendredi Saint cette année-là.

Quelque mois après sa mort, un garçon, grièvement blessé à l’œil, sera guéri, à la fin d’une neuvaine, par l’intercession de Camille. C’est cette guérison, inexplicable par la science, qui a été reconnue comme miraculeuse. Et qui ouvre à la béatification.

Paul RIPAUD,
salésien de Don Bosco

–> Pour mieux connaître Camille Costa de Beauregard, lire l’ouvrage de Françoise Bouchard : Le bienheureux Camille Costa de Beauregard La noblesse du cœur, aux éditions Salvator, 285 pages, 2011.

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