Don Bosco, le beau et les arts

19 janvier 2024

Don Bosco, le beau et les arts

Inutile mais pourtant indispensable, le beau donne un sens aux choses ; sans lui, nous serions comme incomplets. C’est notamment par le beau et les arts que Don Bosco attira à lui les jeunes défavorisés de Turin, pour les rendre acteurs de la beauté du monde.

Le beau est un concept subjectif et changeant. Il est dans les yeux de celui qui regarde.  Il s’impose, il est comme la rose dont parle Angelus Silesius, il est sans pourquoi ! Mais quand le beau est là, la joie aussi est présente. C’est elle qui nous dit que la beauté est là.

Il n’était pas obligé que le monde doive être beau, et pourtant, il l’est, et la beauté donne un sens à la création et aux créatures : il manquerait quelque chose dans l’univers si le beau n’existait pas.

Dans un monde laid ou avili, on ne peut penser correctement, ni être heureux, et encore moins aimer. Quand toute la vérité sera faite, quand la paix et la justice seront établies, la tâche ne sera pas achevée tant que chaque humain n’aura pas la possibilité de faire quelque chose de beau avec ses mains ou avec sa tête. Chacun a droit à la beauté, mais il faut la conquérir comme une terre promise.

 

Le beau mène à Dieu

Le beau éveille les émotions, il travaille la sensibilité, il dirige l’affectivité. Il fait grandir, car il fait naître la conscience de soi, il révèle la noblesse qui est en nous, et qui nous rend dignes d’être aimés. Le beau réveille les sens ; il donne aussi un sens aux choses, à la création. On devient ce qu’on choisit, la beauté transforme.

Dieu passe par la matière pour nous toucher. La religion, et notamment la liturgie, appelle la beauté, elle rend gloire à Dieu, elle provoque l’émerveillement, la joie, la louange. Don Bosco ne pouvait certainement pas passer à côté. La recherche du beau fait partie de la pédagogie et de la pastorale salésiennes.

On a de nombreux témoignages sur la pratique de la musique, et notamment du chant, dans la vie de l’oratoire. Les gens étaient stupéfaits de rencontrer dans la rue ce curé entouré de 6 ou 7 garçons qui chantaient en marchant sur les trottoirs. Don Bosco jouait du violon, de l’orgue et du piano. Il avait l’oreille musicale, comme en témoigne cet épisode où, passant par le marché de Porta Nova, il entend des jeunes garçons chanter un air entraînant accompagnés de mandoline. Il sort en vitesse un bout de papier et un crayon de sa poche pour noter le motif musical. Il composera des paroles de louange à la Madone sur cet air qui sera diffusé dans toute l’Italie.

Dans les églises, à cette époque, le chant était le monopole des hommes qui produisaient un chant grave et lourd. Don Bosco a introduit du nouveau en formant une chorale avec les belles voix d’enfants : on faisait appel à eux pour les célébrations solennelles. Il a encouragé plus d’un salésien à faire des études de musique, et certains ont passé toute leur vie à l’enseigner. Giovanni Cagliero, futur cardinal en Argentine, se rendit célèbre pour ses créations musicales fort appréciées par des experts.

Un certain humanisme

Le théâtre aussi a pris une grande place dès les premières années de l’oratoire. Don Bosco l’appelait « teatrino », « petit théâtre », parce qu’il le voulait amusant, simple, stimulant la créativité des jeunes. En 1858, il écrit un règlement qui condense son idée à ce sujet : réjouir, éduquer, instruire les jeunes et leur apporter une leçon morale. Lors des fameuses « Promenades d’automne » qui conduisaient les jeunes de village en village, un chariot transportait tréteaux et décors, se transformait en scène, et les paysans accouraient pour admirer les spectacles édifiants et rire des facéties de Gianduia, avatar piémontais du « Toto » des plaisanteries françaises ou du « Tichke » des Marolles bruxelloises. Des jeunes se révélaient d’extraordinaires acteurs pleins de verve et de réparties savoureuses.

Don Bosco prenait ses distances vis-à-vis de la « grande » littérature italienne, poètes et surtout romanciers. Il ne cite pas Dante, mais il lui arrivait de faire rimer quelques vers ou des poèmes entiers soit pour marquer certains événements, soit pour remercier des amis ou des bienfaiteurs en y apportant de la légèreté. On peut lui attribuer des chansons et un sonnet en patois piémontais publiés anonymement dans l’almanach qu’il envoyait chaque année à ses lecteurs abonnés.

Don Bosco était-il davantage auditif que visuel ? En raison de sa mauvaise vue ? Il n’a pas laissé de dessins, et on ne dit nulle part que les enfants de l’Oratoire dessinaient. En tout cas, il ne dit rien au sujet des œuvres d’art, peintures ou sculptures, anciennes ou modernes. Il s’est sans doute éloigné de l’art profane, pour centrer son intérêt sur l’art sacré. Mais il s’est beaucoup servi d’images pieuses aux goûts de l’époque qu’il distribuait aux garçons et à tous, avec une pensée personnelle ou une prière.

Surtout, il a voulu une église où la beauté tient au grandiose, avec des dorures, une foison de marbres de couleurs, et un grand tableau qui représente la Vierge auxiliatrice en gloire, entourée de saints. En prenant soin de la maison de Dieu, il faisait comprendre aux jeunes leur importance, leur dignité de fils du Père. En même temps, ils prenaient conscience du monde qui les entoure et des valeurs chrétiennes qui font grandir. Don Bosco demande à l’art d’être une source de plaisir, certes, mais avant tout il doit humaniser.

 

Père Jean-François MEURS,
Salésien de Don Bosco

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