Lettre du Pape François aux salésiens de Don Bosco : « Avec les jeunes et pour les jeunes »
13 août 2015
« Lors du bicentenaire de sa naissance, j’ai eu la joie de rencontrer la Famille Salésienne rassemblée à Turin, dans la Basilique de Notre Dame Auxiliatrice où reposent les restes mortels du Fondateur. Par ce message, je désire m’unir de nouveau à vous dans l’action de grâces à Dieu et, en même temps, rappeler les aspects essentiels de l’héritage spirituel et pastoral de Don Bosco, et vous exhorter à les vivre avec courage.
Lettre du Saint Père François
au Révérend Père Ángel Fernández Artime
Recteur Majeur des Salésiens en le bicentenaire de la naissance de saint Jean Bosco
L’Italie, l’Europe et le monde, au cours de ces deux derniers siècles, ont beaucoup changé, mais l’âme des jeunes n’a pas changé : aujourd’hui encore les garçons et les filles sont ouverts à la vie et à la rencontre avec Dieu et avec les autres ; mais il y en a tellement qui courent le risque du découragement, de l’anémie spirituelle, de la marginalisation.
Don Bosco nous enseigne avant tout à ne pas se contenter d’être seulement des spectateurs mais à se positionner en première ligne pour proposer aux jeunes une expérience éducative intégrale qui, solidement basée sur la dimension religieuse, implique l’esprit, les sentiments, toute la personne, toujours considérée comme créée et aimée de Dieu. D’où une pédagogie naturellement humaine et chrétienne, animée par le souci de la prévention et de l’implication, spécialement pour les jeunes des classes populaires et des couches marginales de la société, à qui il offre aussi la possibilité de s’instruire et d’apprendre un métier pour devenir de bons chrétiens et d’honnêtes citoyens. Œuvrant pour l’éducation morale, civique, culturelle des jeunes, Don Bosco a agi pour le bien des personnes et de la société civile, selon un projet d’homme qui conjugue tout à la fois joie-étude-prière, ou encore travail-religion-vertu. C’est de ce cheminement que fait partie intégrante la maturation vocationnelle, pour que chacun assume dans l’Église la forme concrète de vie à laquelle le Seigneur l’appelle. Cette vision éducative, ample et exigeante, que Don Bosco a résumée dans la devise « Da mihi animas », a réalisé ce qu’aujourd’hui nous exprimons par la formule « éduquer en évangélisant et évangéliser en éduquant ».
En première ligne pour proposer aux jeunes une expérience éducative intégrale
Un trait caractéristique de la pédagogie de Don Bosco est la bonté affectueuse [amorevolezza], à entendre comme un amour manifesté et perçu où se révèlent la sympathie, l’affection, la compréhension et la participation à la vie de l’autre. Il affirme qu’en matière d’expérience éducative, il ne suffit pas d’aimer mais il est nécessaire que l’amour de l’éducateur s’exprime à travers des gestes concrets et efficaces. Grâce à cette bonté affectueuse, tant d’enfants et d’adolescents, dans les milieux salésiens, ont expérimenté une intense et saine affectivité, précieuse pour la formation de la personnalité et le chemin de la vie.
Un amour manifesté et perçu
Dans ce cadre de référence, prennent place d’autres traits distinctifs de la pratique éducative de Don Bosco : esprit de famille ; présence de l’éducateur comme père, maître et ami du jeune, exprimée par un terme classique de la pédagogie salésienne : l’assistance ; climat de joie et de fête ; grande place réservée au chant, à la musique et au théâtre ; importance du jeu, de la cour de récréation, des promenades et du sport.
L’on peut résumer ainsi les aspects saillants de sa figure : il a vécu le don total de lui-même à Dieu dans un élan pour le salut des âmes, et a réalisé la fidélité à Dieu et aux jeunes dans un même acte d’amour. Ces comportements l’ont amené à « sortir » et à prendre des décisions courageuses : le choix de se dévouer aux jeunes pauvres, avec l’intention de réaliser un vaste mouvement de pauvres pour les pauvres ; et le choix d’étendre ce service au-delà des frontières de la langue, de la race, de la culture et de la religion, grâce à une inlassable impulsion missionnaire. Il a traduit ce projet en actes avec une manière d’accueillir joyeuse et sympathique, dans la rencontre personnelle et l’accompagnement de chacun.
Il a su susciter la collaboration de sainte Marie-Dominique Mazzarello et la coopération des laïcs, donnant naissance à la Famille Salésienne qui, comme un grand arbre, a reçu et développé son héritage.
En résumé, Don Bosco a vécu une grande passion pour le salut de la jeunesse, en étant témoin crédible de Jésus-Christ et annonciateur génial de son Évangile, en profonde communion avec l’Église, particulièrement avec le Pape. Il a vécu en continuelle prière et union à Dieu, avec une dévotion, forte et tendre, envers la Madone qu’il invoquait comme Immaculée et Secours des Chrétiens, bénéficiant d’expériences mystiques et du don des miracles pour ses jeunes.
Il a vécu en continuelle prière et union à Dieu
Aujourd’hui encore, la Famille Salésienne s’ouvre vers de nouvelles frontières éducatives et missionnaires, parcourant les voies des nouveaux moyens de communication sociale et de l’éducation interculturelle au milieu de peuples de religions différentes, ou de pays en voie de développement, ou d’endroits marqués par la migration. Les défis du Turin du XIXème siècle ont pris une dimension globale : idolâtrie de l’argent, inégalités engendrant violence, colonisation idéologique et défis culturels liés aux contextes urbains. Certains aspects impliquent plus directement le monde des jeunes, telle la diffusion d’Internet, et vous interpellent donc, vous, fils et filles de Don Bosco, qui êtes appelés à travailler en prenant en considération, en même temps que les blessures, les ressources que l’Esprit Saint suscite en situation de crise.
Vous êtes appelés à faire refleurir
la créativité charismatique
Comme Famille Salésienne, vous êtes appelés à faire refleurir la créativité charismatique dans vos institutions éducatives et au-delà, vous situant, avec dévouement apostolique, sur le sentier des jeunes, particulièrement ceux des périphéries.
« La pastorale de la jeunesse, telle que nous étions habitués à la développer, a souffert du choc des changements sociaux. Dans les structures habituelles, les jeunes ne trouvent pas souvent de réponses à leurs inquiétudes, à leurs besoins, à leurs questions et à leurs blessures. Il nous coûte à nous, les adultes, de les écouter avec patience, de comprendre leurs inquiétudes ou leurs demandes, et d’apprendre à parler avec eux dans le langage qu’ils comprennent » (Exhortation Apostolique Evangelii gaudium, 105). Faisons en sorte, comme éducateurs et comme communautés, de les accompagner sur leur chemin, afin qu’ils se sentent heureux d’apporter Jésus dans chaque rue, sur chaque place, dans chaque coin de la terre (cf. ibid., 106).
Que Don Bosco vous aide à ne pas décevoir les aspirations profondes des jeunes : leur besoin de vie, d’ouverture, de joie, de liberté, d’avenir ; leur désir de collaborer à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel, au développement pour tous les peuples, à la protection de la nature et des milieux de vie. À son exemple, vous les aiderez à expérimenter que c’est seulement dans la vie de grâce, c’est-à-dire dans l’amitié avec le Christ, que l’on actualise pleinement les idéaux les plus authentiques. Vous aurez la joie de les accompagner dans leur recherche de synthèse entre foi, culture et vie, dans les moments où se prennent les décisions qui engagent, quand on cherche à interpréter une réalité complexe.
Promouvoir des formes de volontariat social,
sans se résigner aux idéologies en place
Je signale en particulier deux tâches qui se présentent à nous aujourd’hui en discernant la réalité des jeunes : la première est celle d’éduquer selon l’anthropologie chrétienne au langage des nouveaux moyens de communication et des réseaux sociaux, qui façonne en profondeur les codes culturels des jeunes, et donc leur vision de la réalité humaine et religieuse ; la seconde est celle de promouvoir des formes de volontariat social, sans se résigner aux idéologies qui placent le marché et la production avant la dignité de la personne et la valeur du travail.
Être des éducateurs qui évangélisent est un don de la nature et de la grâce mais également le fruit de la formation, des études, de la réflexion, de la prière et de l’ascèse. Don Bosco disait aux jeunes : « Pour vous je travaille, pour vous je vis, pour vous je suis disposé à donner jusqu’à ma vie » (Constitutions Salésiennes, art. 14).
Aujourd’hui plus que jamais, face à ce que le Pape Benoît XVI a plus d’une fois indiqué comme « urgence éducative » (cf. Lettre au diocèse et à la ville de Rome sur le devoir urgent de l’éducation, 21 janvier 2008), j’invite la Famille Salésienne à favoriser une alliance éducative efficace entre les différentes instances religieuses et laïques pour marcher, dans la diversité des charismes, en faveur de la jeunesse dans les différents continents. Je rappelle en particulier l’inéluctable nécessité d’impliquer les familles des jeunes. En effet, il ne peut y avoir de pastorale des jeunes efficace sans une pastorale familiale valable.
Le Salésien est un éducateur qui fait toujours résonner
la première annonce
Le Salésien est un éducateur qui, dans la multiplicité de ses relations et de ses engagements, fait toujours résonner la première annonce, cette bonne nouvelle qui, directement ou indirectement, ne peut jamais manquer : « Jésus Christ t’aime, il a donné sa vie pour te sauver, et maintenant il est vivant à tes côtés chaque jour pour t’éclairer, pour te fortifier, pour te libérer » (Exhortation Apostolique Evangelii gaudium, 164). Être des disciples fidèles de Don Bosco demande de renouveler le choix catéchistique qui a été son engagement permanent, à comprendre aujourd’hui dans le contexte de la mission d’une nouvelle évangélisation (cf. ibid., 160-175). Cette catéchèse évangélisatrice mérite la première place dans les institutions salésiennes et doit être réalisée avec compétence théologique et pédagogique et avec le témoignage transparent de l’éducateur. Elle requiert un parcours qui comprenne l’écoute de la Parole de Dieu, la fréquentation des Sacrements, en particulier la Confession et l’Eucharistie, et la relation filiale avec la Vierge Marie.
Dans la pratique éducative salésienne,
la joie et la fête trouvent consistance et continuité
Chers frères et sœurs salésiens, Don Bosco témoigne que le christianisme est source de bonheur, parce qu’il est l’Évangile de l’amour. C’est de cette source que, dans la pratique éducative salésienne aussi, la joie et la fête trouvent consistance et continuité. « Nous parvenons à être pleinement humains quand nous sommes plus qu’humains, quand nous permettons à Dieu de nous conduire au-delà de nous-mêmes pour que nous parvenions à notre être le plus vrai. Là se trouve la source de l’action évangélisatrice (Exhortation Apostolique Evangelii gaudium, 8).
Les attentes de l’Église concernant le soin de la jeunesse sont grandes ; grand aussi est le charisme que l’Esprit Saint a donné à saint Jean Bosco, charisme développé par la Famille Salésienne avec un dévouement passionné en faveur de la jeunesse dans tous les continents et une floraison de nombreuses vocations à la vie sacerdotale, religieuse et laïcale. Je vous encourage donc cordialement à assumer l’héritage de votre Fondateur et Père avec la radicalité évangélique qui a été la sienne dans sa pensée, sa parole et son action, avec la compétence voulue et avec l’esprit de service généreux, comme Don Bosco, avec les jeunes et pour les jeunes. »
Du Vatican, le 24 juin 2015
Solennité de la Naissance de Saint Jean Baptiste
Vidéo : Lettre du Saint Père François commentée par le père Ángel Fernández Artime, Recteur Majeur des Salésiens.
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