Sortez de vos canapés !
5 juillet 2020
« La vie intérieure n’est pas un lit douillet de dilution cosmique où on se fond dans la douceur d’une musique suave et d’une lumière tamisée ! Elle ouvre à une relation à un Autre qui a pour nom Dieu, Père, Fils et Esprit », nous dit sœur Nathalie Becquart. La spiritualité salésienne permet d’éduquer à une intériorité en gardant « les pieds sur terre » C’est ce qu’exprime Xavier Ernst, responsable de la pastorale provinciale des Salésiens.
« L’Etrenne(1) du Recteur Majeur est à ce sujet très intéressante et interpellante. Elle aborde « la vraie spiritualité salésienne » qui est de nous inviter et d’inviter les jeunes à rencontrer le mystère de Dieu dans notre histoire, dans notre vie, dans notre cœur, dans notre quotidien afin d’éviter de réduire toutes nos démarches et propositions d’intériorité à un « spiritualisme vide et désintéressé des choses de ce monde. »
Thomas d’Ansembourg(2) parle même d’ « intériorité citoyenne ». C’est tout l’honneur/originalité de la proposition de la communauté de Taizé qui parvient à faire entrer des milliers de jeunes dans dix minutes de silence et de les inviter, en parallèle, à réfléchir sur leur engagement chrétien dans la société et dans leur quotidien…
J’aime beaucoup aussi ce que dit le Pape dans « Christus Vivit »(3) sur le désir de Dieu présent chez de nombreux jeunes, mais qui s’exprime de bien des manières différentes.
N’oublions pas l’importance du beau, de la nature, des marches en montagne. Cet été, avec les jeunes « hards » du réseau DBAS (4), nous avons vécu un moment d’intériorité exceptionnel en les « tirant » littéralement jusqu’à un sommet pour bivouaquer… face au paysage, devant le crépitement du feu, dans le silence de la nuit, leur cœur s’est ouvert… ce fut leur plus beau souvenir !
Prenons le temps avec les jeunes de la relecture, de mettre des mots sur le vécu de rencontres, d’activités diverses, d’engagements, de responsabilité.
Le silence et l’intériorité donnent corps et alimentent la spiritualité salésienne : « spiritualité du quotidien, spiritualité pascale de la joie et de l’optimisme, spiritualité de l’amitié et de la relation personnelle avec le Christ, spiritualité de communion, spiritualité mariale, spiritualité du service responsable et citoyen… »(5)
Vous avez dit : « intériorité » ?
Ils et elles ont entre 16 et 30 ans, sont chrétiens, musulmans ou sans religion déclarée. Malgré des parcours différents, leurs points de vue se recoupent. Pour la plupart, l’intériorité est un espace de rencontre avec eux-mêmes, avec leur « moi profond », un lieu de questionnement. Pour ceux qui se reconnaissent dans une religion, c’est un espace de rencontre avec Dieu. Pour Ali (6), jeune musulman, l’intériorité « est cette vie du cœur qui nous fait devenir pleinement humain et il est essentiel, quelle que soit l’idée que l’on se fait du sens de la vie, de la cultiver ». Pour d’autres, l’intériorité est synonyme d’espace de paix, de bonheur, de confiance, de solitude et de silence. Pour Clara, « ‘silence’ n’est pas du tout équivalent à ‘vide’. Cet espace est rempli, d’émotions, de sérénité de l’âme, d’une harmonie paisible, d’amour profond, sans jamais être surchargé ».
Une découverte progressive
On peut déceler trois temporalités différentes dans le parcours de ces jeunes. Certains sont attentifs à leur vie intérieure depuis longtemps car ils ont baigné dans un milieu qui les a sensibilisés très tôt à cette dimension. Pour d’autres, c’est à l’adolescence qu’ils ont commencé à se poser des questions et à prendre conscience de leur intériorité. Pour d’autres encore, c’est suite à un événement important de leur vie qu’ils ont été attentifs à leur intériorité, comme une année passée dans un autre pays, le décès d’un parent ou encore un accouchement. Pour tous, il y a des évolutions et des changements avec l’âge.
L’intériorité et son lot de questions
Tous partagent les mêmes questions. Ils s’interrogent sur leur avenir, les relations, le bonheur, le sens de leur vie, leurs réactions à leurs émotions. Ils cherchent l’origine et le sens du mal, de la souffrance et des obstacles. Ils tentent d’interpréter ce monde pour y trouver leur place par rapport à leurs propres valeurs, aux autres, à la nature, et pour les croyants à Dieu. Pour ces derniers, la question de Dieu est souvent englobante. Depuis que leur foi a mué de l’enfance à l’adulte, ils recherchent la volonté de Dieu pour eux personnellement.
Comment trouver les réponses ?
Conscients du poids des questions, ils n’en sont pas paralysés pour autant. Ils trouvent les réponses dans des podcasts, des livres, dans la nature. « Marcher a un effet assez libérateur et m’aide à rejoindre ce bel espace intérieur. » Ils s’isolent, prennent un temps de recul comme au désert, se recentrent. « Être en intériorité me permet d’écouter mes propres conseils, ce que je veux réellement », dans un dialogue intérieur. Ils sont aussi à l’écoute : personnes de confiance avec qui partager sans jugement ; Dieu dans la prière, la Bible, l’invocation de l’Esprit. Ali (6) tente de cheminer vers Dieu en suivant le chemin tracé par le Prophète Muhammad.
Il arrive qu’une réponse amène des questions d’un second ordre : en quoi cette réponse trouvée m’engage-t-elle ? A quelle responsabilité m’appelle-t-elle ? Une vie d’homme ne suffit pas à répondre à toutes les questions !
Dossier préparé par Joëlle DROUIN, Anne-Elisabeth LESNE, Joaquim LESNE et Jean-François MEURS
1 L’étrenne est une lettre adressée en début d’année à toute la famille salésienne
2 Thomas d’Ansembourg « Cessez d’être Gentils »
3 n° 84 de l’exhortation apostolique du Pape François « Christus Vivit »
4 DBAS = Don Bosco Action Sociale
5 Etrennes 2020 du Recteur Majeur &1-4 point C
6 Merci à Ali, Maxime, Emilie, Clara, Charline, Martin, Céline de nous avoir permis d’entrer dans leur intimité.