Gérald Rouby : « Si ce domaine Le Songe de Don Bosco existe, c’est grâce à Don Bosco lui-même »
12 août 2023
A La Navarre, le domaine Le Songe de Don Bosco, à quelques kilomètres de Toulon, produit des vins rouges de caractère et des blancs délicats, dont l’Amorevolezza, salué par le quotidien Le Monde l’été dernier. Rencontre avec le passionné (et passionnant) directeur des lieux, Gérald Rouby.
Gérald Rouby, vous êtes le directeur d’exploitation du domaine. Comment êtes-vous arrivé là ?
Je suis natif du Maroc, où mon père était vigneron dans une propriété de 600 hectares ! J’y ai vécu jusqu’à mes 13 ans. Je suis autodidacte, mais tout mon parcours professionnel, je l’ai fait dans le vin, en Provence, à Draguignan notamment. Sur les quatre domaines où j’ai travaillé, j’en ai d’ailleurs converti trois en bio. Je suis très sensible aux enjeux environnementaux. J’ai répondu à une petite annonce et je suis arrivé en 2017, à la suite du père Jacques Pellerin (décédé en mars 2020, après avoir notamment été directeur de Giel-Don Bosco de 1987 à 1997 et de l’institut Lemonnier de Caen de 1997 à 2004). J’avais 60 ans, je connaissais de nom le domaine de La Navarre, mais je n’y étais jamais venu. Et j’ai donc découvert ce domaine de 86 hectares de vignes, ce qui en fait de nos jours une propriété moyenne dans la région.
Nous avons l’habitude de dire domaine de La Navarre. Mais il faut dire désormais domaine « Le Songe de Don Bosco », c’est ça ?
Oui ! A mon arrivée, j’ai insisté pour revenir aux sources, aux origines. Je suis tombé sur un article de DBA qui racontait que si ce domaine existe, c’est grâce à Don Bosco lui-même, avec son songe. Dans le même temps, j’avais été frappé lors d’un salon en Bretagne qu’aucun de nos clients ne connaissait l’origine religieuse du domaine. Nos vins s’appelaient prestige, réserve, fondation… C’est très beau mais notre domaine est chargé d’histoire et on était allé prendre des noms que tout le monde prend, surtout ceux qui n’ont pas d’histoire. J’ai donc remis Don Bosco au centre. Depuis le millésime 2019, nous sommes le domaine « Le Songe de Don Bosco ». Avec un nom pareil, on a une histoire à raconter !
Et pour les intitulés des vins ? « Sacrifice » par exemple, ça peut surprendre…
En lisant pas mal de choses sur Don Bosco, ce mot s’est imposé. Don Bosco a fait beaucoup de sacrifices dans sa vie pour aider les jeunes. Il me fallait un mot fort. Parfois, il faut provoquer les choses ! Pour le haut de gamme, on a choisi « 1877 », qui est l’année du songe de Don Bosco, et, bien évidemment, l’Amorevolezza. J’aime reprendre cette phrase de Don Bosco : “Pour que la vigne donne le meilleur d’elle-même, elle a besoin d’un paysan éducateur, il connaît sa terre car il l’écoute en toute saison, il souffre avec elle lors de la sécheresse, il lui fait fête lorsqu’il foule les grappes de raisin”. L’Amorevolezza, c’est notre cuvée “emblématique”, un vecteur d’émotion.
Nous avons aussi lancé un vin intitulé, L’Orphelin. Il était à l’essai en vinification déjà depuis plusieurs millésimes en rouge et nous avons passé le cap en vinifiant le millésime 2020, en rouge, blanc et rosé. C’est un vin sans sulfites, donc « orphelin » de sulfites. Il pourra être exporté aux Etats-Unis.
Parce que vous exportez ?
Oui, on a quelques clients aux Etats-Unis, au Canada, et même au Costa Rica. Évidemment, c’est une petite part du chiffre d’affaires, mais c’est une fierté.
Comment avez-vous accueilli cet article du Monde ?
C’est une fierté, surtout que Laure Gasparotto est une des plus grandes spécialistes. Avec l’équipe (une dizaine de personnes travaillent au domaine), on s’est dit que l’on n’avait pas bossé pour rien. En plus, une semaine avant, on avait reçu deux journalistes américains qui voulaient découvrir la cuvée Sacrifice. Le travail paye !
Vous parlez travail : le gros chantier, c’est la conversion bio du domaine, c’est ça ?
La cuvée 2022 est la première cuvée de la conversion bio. Quand je suis arrivé en 2017, j’ai supprimé la totalité des produits chimiques de traitement des vignes. J’utilise uniquement du cuivre, du souffre et des huiles essentielles. Et le désherbant est banni depuis trois ans grâce à un nouvel équipement et une formation du personnel. Si les positions du pape François appuient cette orientation générale du respect de la nature et du vivant, il a fallu faire des choix forts et convaincre : le bio coûte un peu plus cher. Mais nous avons constaté, avec notre apiculteur, le retour des abeilles et de la faune sauvage. Le vignoble sera officiellement bio en juillet 2024.
Propos recueillis par Benoît DESEURE