« Non, les MNA ne mettent pas en danger notre société par leur délinquance » : la tribune du père Jean-Marie Petitclerc, coordinateur du réseau Don Bosco Action sociale

3 juillet 2024

« Non, les MNA ne mettent pas en danger notre société par leur délinquance » : la tribune du père Jean-Marie Petitclerc, coordinateur du réseau Don Bosco Action sociale

Photo : Maxence Peterfalvi

 

Père Jean-Marie Petitclerc

Dans leurs discours, certains politiciens d’aujourd’hui associent la thématique des Mineurs Non Accompagnés (ces adolescents étrangers qui rejoignent, sans présence d’adulte à leurs côtés, le territoire national) à celle de la délinquance juvénile, insinuant par la même qu’il faudrait se méfier d’eux tous et que l’État français doit protéger ses citoyens de leurs éventuels agissements.

Coordinateur du réseau Don Bosco Action Sociale (DBAS), je suis outré par de tels propos. La branche « Action Sociale » du réseau Maisons Don Bosco gère en effet une douzaine de plates-formes d’accueil de ces jeunes MNA, dans les régions de Nouvelle Aquitaine, de Normandie, d’Ile de France et de Rhône-Alpes. Ce sont environ mille adolescents qui nous sont ainsi confiés au titre de la Protection de l’Enfance et qui sont accompagnés par nos équipes éducatives.

Ces adolescents ont chacun leur personnalité propre. Rappelons que l’appellation MNA n’est qu’une catégorie juridique, et qu’il nous faut d’abord les considérer comme des enfants en danger, que notre État, signataire de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, s’est engagé à protéger (cf. article 20). S’ils sont bien différents les uns des autres, tous ont en commun de vouloir investir un projet d’avenir, ce qui malheureusement n’est pas possible dans leur pays d’origine à cause de situations de guerre ou de grande précarité sur le plan économique.

Confiance, espérance, alliance

Pour mettre en œuvre leur projet de vie, ils ont encouru des risques considérables. Je suis personnellement bouleversé par le récit qu’ils nous font, souvent avec une grande pudeur vis-à-vis de leurs camarades décédés, de leur traversée du désert et de la Méditerranée. Et je suis émerveillé des efforts qu’ils fournissent pour réussir leur intégration dans la société française. Nos équipes éducatives les accompagnent dans un projet éducatif fondé, selon l’héritage de Don Bosco, sur la confiance, l’espérance et l’alliance.

Nos équipes ont à cœur de rétablir les droits fondamentaux de ces adolescents confiés :
– en leur permettant de retrouver une identité grâce à des documents le certifiant, par des démarches tenaces auprès des autorités des pays d’origine ou de l’État français quand ces pays refusent (cas du Mali) ;
– en veillant à leur santé physique et psychique par des bilans, une vaccination et l’établissement d’un carné de santé ;
– en les incluant dans un processus de scolarité : apprentissage du français parlé et écrit, scolarité adaptée à chacun ;
– en leur permettant d’obtenir une qualification professionnelle, souvent en alternance dans des métiers en tension ;
– en travaillant leur insertion sociale, grâce à des rencontres, des inscriptions dans des clubs sportifs et culturels, des associations, et en dispensant une formation citoyenne ;
– en les aidant à leur sortie à trouver une solution de logement adaptée.

Et les résultats en terme d’insertion sont au rendez-vous. Dans les sorties effectuées, 88% ont signé un contrat de travail. Les efforts entrepris pour l’obtention d’une qualification professionnelle sont admirables, et largement couronnés de succès.  80 % ont trouvé une solution pérenne en terme de logement.

Pour les autres, nous avons mis en place, dans le réseau DBAS, le dispositif ARIA (Accompagnement Relationnel pour l’Insertion des jeunes Adultes), permettant de poursuivre l’accompagnement à l’issue de la prise en charge par la Protection de l’Enfance. Ce dispositif est financé par l’apport de fondations d’entreprise.

Nous voyons alors combien, lorsque ces mineurs sont accompagnés sur le plan éducatif, ils deviennent une ressource pour notre société vieillissante.

Durant l’année 2023, nous avons eu à déplorer moins de 10 fins de prise en charge pour des faits de délinquance (soit moins de 1%). Combien alors est insupportable cette insinuation distillée dans les esprits de nos concitoyens que ces MNA mettraient en danger notre société par leur délinquance !

Puissent ces quelques lignes inviter le lecteur, face à de telles insinuations, à s’indigner, pour reprendre une expression de Stéphane Hessel !

Père Jean-Marie PETITCLERC
Salésien de Don Bosco
Coordinateur du Réseau Don Bosco Action Sociale

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