Jean-Noël Charmoille, salésien, quitte la présidence de l’URCEC : « L’école ne doit pas seulement travailler des programmes et viser des résultats »
12 janvier 2024
Cette semaine a eu lieu à Lyon (Ecully) la session annuelle de l’Union des Réseaux Congréganistes de l’Enseignement Catholique, l’URCEC. Depuis six ans, celle-ci était présidée par un salésien de Don Bosco, le père Jean-Noël Charmoille. L’occasion de faire avec lui un point sur les écoles dites « congréganistes ». Et plus globalement sur l’enseignement catholique en France.
DBA : Jean-Noël, tu es membre du conseil d’administration de l’URCEC de 2009 et tu termines ton mandat de président. Peux-tu nous expliquer ce qu’est cette union et ce qu’elle représente dans le paysage scolaire français ?
J.-N. C. : L’URCEC est une Union qui fédère les responsables des réseaux issus des congrégations éducatives et également quelques associations de fidèles (Foyers de Charité, Emmanuel) et Fondations canoniques qui portent la tutelle d’établissements scolaires. C’est un réseau important : l’URCEC représente un tiers des 2 millions d’élèves de l’Enseignement Catholique.
DBA : dans les réseaux congréganistes français, que représente le réseau Don Bosco ?
Le réseau Don Bosco rassemble les établissements sous tutelle des sœurs et des frères ; il compte, en France, environ 30 000 élèves (et en Belgique, environ 5 000 élèves). C’est un réseau de taille très correcte. En dessous de 10 000 élèves, il est difficile de mettre en place un vrai service tutelle et de le financer. De fait, un certain nombre de réseaux, qui comptent 1, 2 ou 3 établissements, sont en difficulté à ce niveau.
Dans l’ensemble, les réseaux sont de tailles diverses et un certain nombre ont fait le choix de s’associer à d’autres, de fusionner, ou de « dévoluer » la tutelle de leurs établissements à un autre réseau ou aux diocèses. Autrement dit, des restructurations sont en cours et cela, depuis plusieurs années, afin de proposer aux établissements un accompagnement suffisamment structuré.
DBA : quels ont été les chantiers que tu as menés à l’URCEC ?
D’abord, nous avons fait le choix de nous doter d’un Secrétariat Général structuré pour le service des réseaux, afin d’être à l’écoute de leurs questionnements, de leur proposer si besoin un accompagnement ; également de nous exprimer en leur nom et de porter leur parole spécifique au sein de l’Enseignement Catholique.
Nous avons aussi pris le temps de bien connaître les réseaux, de rencontrer leurs responsables, de recenser leurs moyens et d’entendre leurs projets. Cela nous a permis d’accompagner les plus fragiles, et nous continuons bien sûr de le faire.
Nous avons aussi structuré un service formation pour outiller les acteurs de la tutelle : autorités de tutelle, délégués et conseillers. Ce service propose également des journées thématiques sur les sujets du moment. Et nous soutenons l’Union des organismes de formation congréganistes via l’UNIFOC.
DBA : On entend beaucoup ces dernières années des critiques sur l’Enseignement catholique, accusé de ne pas prendre sa part dans la mixité sociale, alors que la plupart des congrégations religieuses, à l’origine, ont créé des écoles pour les plus défavorisés. Est-ce que cela fait débat à l’URCEC ?
Evidemment, c’est un sujet important. Par contrat avec l’Etat, l’Ecole catholique est une école pour tous. Cela dit, comme chacun sait, l’Etat ne subventionne que partiellement nos établissements, et nous devons faire appel à des financements autres, notamment auprès des familles. Cet état de fait peut être discriminant pour l’accès à nos établissements. Il faut donc inventer des dispositifs plus aidants : systèmes de solidarité, montant variable de la contribution des familles en fonction des revenus… Cela dit, le protocole de mixité signé avec le ministère nous engage, et nous devons travailler à améliorer nos conditions d’accueil pour les rendre accessibles. L’URCEC a proposé en novembre une journée thématique sur ce sujet, et la réflexion se poursuit.
DBA : De ta position privilégiée, tu as pu assister aux évolutions du système éducatif français, que beaucoup qualifient de système en crise (les piètres résultats dans les enquêtes PISA, le phénomène du harcèlement scolaire, la chute des vocations chez les enseignants…). Quel regard portes-tu sur l’école en France ?
Le risque est toujours l’endormissement et la reproduction de systèmes dont on pense qu’ils fonctionnent pour tous les élèves. Il y a des avancées, avec un meilleur accueil des élèves à besoins particuliers, avec des pédagogies plus participatives et plus individualisées. Mais il y a bien sûr une marge de progression.
De leur côté, les établissements congréganistes ne sont pas parfaits. Mais ils s’inscrivent tous dans la tradition d’un fondateur ou d’une fondatrice qui, le plus souvent, a dû inventer un modèle et donc innover, dans des époques où il y avait peu d’offres, surtout pour les enfants qui n’étaient pas issus de milieux favorisés. C’est cette tradition qui doit nous inspirer aujourd’hui encore : ne pas reproduire ce qui se fait déjà, chercher sans cesse des modalités d’apprentissage et des contextes scolaires où chaque enfant et chaque jeune peut s’épanouir, se former et nourrir son projet de vie.
L’école ne doit pas seulement travailler des programmes et viser des résultats. Elle doit s’efforcer de proposer un environnement stimulant et un relationnel éducatif épanouissant. Et là, je pense que la référence à Don Bosco a de nombreux atouts.
–> Le père Jean-Noël Charmoille, salésien de Don Bosco depuis 1988, prêtre depuis 1993, a successivement exercé les « métiers » d’enseignant et d’adjoint en pastorale scolaire (ND des Minimes à Lyon, puis Don Bosco Marseille, de 1990-1999), de rédacteur en chef de la revue « Don Bosco Aujourd’hui » (1999-2005), avant d’être nommé vicaire provincial de la Province de France, de 2005-2008, puis de la province France Belgique Sud (2008-2013). Il fut également curé à Argenteuil entre 2013 et 2016 et est délégué du provincial à la tutelle des établissements scolaires salésiens depuis 2016.