Des lycéens de Don Bosco Marseille vont à la rencontre des gens de la rue
16 janvier 2021
A Don Bosco Marseille, Rafaël Janiec, Adjoint en Pastorale Scolaire, encourage les « maraudes » : les élèves vont à la rencontre des gens qui vivent dans la rue, pour les écouter, et mieux saisir ce qui fait l’essentiel de la vie.
Le confinement a ouvert les yeux de certains, de plus en plus de monde est sensible à la précarité et à la pauvreté. Nos élèves ont besoin de se rendre utiles et de faire quelque chose de positif. Nous avons reçu une proposition de « Boîtes cadeaux de Noël » pour les plus démunis: idée reprise par beaucoup d’établissements un peu partout en France. Remplir une simple boîte à chaussures avec quelques objets qui peuvent réchauffer les cœurs, puis faire un emballage cadeau.
Que fallait-il mettre dans la boîte ? Un truc chaud (chaussettes, gants, bonnet…), un truc bon (chocolats, gâteaux, thé…), un divertissement (jeu de cartes, livres, magazines…), un produit d’hygiène ou de beauté. Un mot doux pour les fêtes de Noël. Des jeunes se sont demandé si, vu le climat de Marseille, les bonnets et les gants étaient utiles ?
Les boîtes récoltées ont été distribuées dans la rue, dans des foyers, auprès d’associations qui ont de l’expérience : pour les femmes violentées, les étudiants en situation précaire, les migrants, les prisonniers. L’association contactée a suggéré d’aller jusqu’au bout du projet : que les jeunes se déplacent pour donner les cadeaux, afin qu’ils voient les réactions des gens de la rue, pour les écouter et entendre ce dont ils ont le plus besoin. » Les jeunes ont hésité car pendant le temps de la covid, c’était prendre des risques… Mais finalement, c’est la maraude qui a été plébiscitée.
Il pleuvait le jour choisi pour l’opération, mais puisque les gens de la rue attendaient, le groupe des volontaires décide d’y aller, munis de Thermos de café ou de thé. Ils racontent :
« Les premiers contacts sont faits avec Medhi, Mahomet et Diego. Ils nous disent : « nous dormons dans la rue, nous avons besoin d’une couverture ». Nous sommes partagés car la dernière fois que nous avons donné une couverture, les services de l’ordre sont venus le soir et l’ont prise pour chasser ces gens du Vieux Port. Nous ne pouvons pas laisser leur demande sans réponse! En partant, ils nous demandent des masques. Nous donnons rendez-vous le lundi suivant. Une femme ne veut pas nous parler et nous fait signe de partir. Nous continuons notre route. Nous rencontrons une jeune fille assise dans le métro. Elle est seule, très jeune. Nous proposons du thé mais elle ne veut pas. Une femme arrive et s’assoit à côté d’elle. Elle nous demande un café, alors la fille aussi, encouragée par cette femme, demande un thé. Nous échangeons mais notre discussion est simple car elle ne maîtrise pas très bien le français. Nous poursuivons et nous rencontrons Pierre-Antoine qui prie le rosaire. Il veut entrer dans l’église, mais elle est fermée. Nous parlons de la vie. Pierre-Antoine dit à Christian que ce qu’il fait est bien : « Tu es jeune mais tu es attentif aux autres. »
« Ahmad est dans la rue en chaussons. Il pleut et il est trempé, mais il ne veut que du thé et ne répond pas à nos questions. Il nous remercie chaleureusement et part aussitôt. Devant une supérette, c’est un monsieur qui vient du Kosovo. Les échanges sont courts et intensifs : « Toi, je t’aime, Kosovo je t’aime, la France je t’aime, Madame je t’aime. Je vous attends demain et après-demain et encore après, je serai ici. » Nous l’assurons que nous reviendrons.
« Dans un arrêt de bus, un Monsieur nous dit : « Non, je ne veux ni café ni thé ». Nous essayons de communiquer, mais Max se lance dans un long monologue. Nous avons compris qu’il avait envie de parler : c’est un océan de paroles pendant de longues minutes. Nous écoutons en silence …. Devant l’hôpital de la Timone, il y a un groupe d’hommes qui vivent dans la rue : deux qui dorment, plusieurs qui boivent de la bière. Nous rencontrons notre ami du vendredi qui nous dit : « Ce soir, je vais à l’hôpital, comme ça je passerai la nuit au chaud. »
Impressions des participants :
Ryan : Je me suis décidé d’aller à la rencontre des gens de la rue, car je n’ai pas souvent l’occasion de parler aux SDF. Il y a beaucoup de personnalités différentes. On passe de la mère et sa fille, assez timides et réservées, à quelqu’un qui va nous faire sa politique de la République en Marche ! (j’ai bien rigolé). Non je n’avais pas peur d’y aller. Un jour j’ai parlé à un SDF, il était très gentil, et quand je lui ai donné de l’argent il m’a dit de le garder pour moi, (ce que je n’ai pas fait bien évidemment). Souvent les jeunes d’aujourd’hui veulent rester dans leur petit confort et ne se soucient pas des autres, tant qu’ils vont bien, c’est l’essentiel ! C’est juste une question de maturité. Il faut se dire que dehors il y a des gens seuls qui souffrent en silence, alors pour moi une maraude, c’est une belle opportunité. Si on me propose de nouveau d’aller à la rencontre des pauvres ? Oui bien sûr, j’irai. C’était drôle de voir les différentes personnalités des SDF. C’était aussi très touchant, donc je reviendrai avec plaisir. Je voudrais résumer ma rencontre en disant, comme notre ami de la rue : « MERCI JE T’AIME ! ».
Christian : La rencontre m’a permis d’écouter l’histoire des gens et d’éviter de faire les mêmes erreurs plus tard ; de les soutenir dans ces moments difficiles qu’ils traversent. Les moments passés avec des gens de la rue ont renforcé ma soif de réussir et m’ont confirmé sur l’idée que la vie est instable. J’avais peur d’y aller car on ne peut pas savoir l’état mental d’une personne qu’on connaît à peine. Pourquoi est-il dans la rue ? Quelle sera sa réaction vis-à-vis de notre geste ? Il y a très peu des gens qui veulent rencontrer des pauvres; ils pensent que c’est perdre du temps et ennuyant, que s’ils sont dans cette situation, alors ils n’ont pas de bons conseils à transmettre; or, ils se trompent, c’est tout le contraire. On ne sait pas de quoi est fait l’avenir. Les maraudes sont vraiment une expérience à vivre au moins deux fois dans sa vie, parce qu’elles ouvrent les yeux des enfants et ados que nous sommes face aux difficultés de la vie d’adulte, et ainsi nous pouvons faire plus attention à nos études et à nos parents qui nous offrent cette chance d’aller à l’école.
Chérine : Je me suis engagée car j’ai voulu savoir comment les sans-abris vivent dans la rue et essayent de survivre. Les rencontres m’ont permis de comprendre comment ils sont et quel est leur mode de vie. Je n’avais pas peur de les rencontrer car les gens de la rue sont des personnes qui ont la même dignité que moi mais peut-être que ce sont eux qui ont véritablement peur du regard qu’on leur porte. Volontiers je reviendrai, c’est une occasion d’aider et de rencontrer d’autres personnes. Je voudrais résumer cette démarche en trois mots : Nouveauté, Rencontre, Aide.