Mission Nerrivik : du Groenland à Toulon, une expédition à la fois éducative et scientifique
8 septembre 2023
Alors que leur bateau, le Bernick, s’apprête à reprendre la mer pour une expédition de trois mois à objectif éducatif et scientifique en Méditerranée orientale, retour sur la première grande aventure de la Mission Nerrivik : il y a tout juste un an, Pierre-Alexandre, Victor, Thibault, Temanu, Victor et Gauthier arrivaient acclamés par la foule et leurs proches dans le port de Toulon. Ils étaient notamment passé par une école salésienne à Haïti et avaient beaucoup partagé avec les écoliers de l’école salésienne Bon Accueil, à Toulon.
Après avoir quitté l’école salésienne CDAM (centre diocésain des arts et métiers) des Cayes (Haïti), Gauthier, Pierre-Alexandre, Temanu, Thibault et Victor ont fait cap sur la côte américaine. Ils ont ensuite posé le pied sur le sol français en s’arrêtant à Saint-Pierre-et-Miquelon. Puis, ils ont pris la direction du Groenland, le point culminant de leur expédition. “Nous avons vraiment pris conscience que nous étions à la porte d’entrée du Groenland quand nous avons vu notre premier iceberg au Canada. L’aventure commençait”, se souvient Pierre-Alexandre.
La découverte de ce pays a commencé par le Sud du Groenland. Puis ils se sont orientés vers la Côte Est où ils ont pu rencontrer des Inuits : “C’était fantastique !” s’exclame le jeune homme. C’est une grande chance que nous avons eu de découvrir ce peuple mythique et de partager leur vie quotidienne. Nous avons pu faire des trajets en traîneaux, faire des sorties en kayak, aller à la chasse ou encore à la pêche à la morue…”
Là-bas, ils ont fait la connaissance de Max, un Marseillais qui a arrêté ses études de médecine pour s’installer dans un village de 60 habitants perdu sur la Côte Est du Groenland. Max est maintenant pêcheur de morue. Sa particularité est qu’il emploie des techniques ancestrales afin de préserver l’environnement et perdurer les traditions. Nos cinq explorateurs ont tissé un lien fort avec lui : “Sa générosité nous a marqués, raconte Pierre-Alexandre. Il nous donnait tout, nous expliquait son métier avec passion, nous avons partagé son quotidien et son métier.”
La Côte Est du Groenland a été découverte plus tardivement que la Côte Ouest, elle a donc été moins touchée par la mondialisation. Elle est aussi moins peuplée (4 000 habitants contre 40 000).
Mais la mondialisation s’implante depuis quelques années sur la Côte Est et les effets y sont visibles. Par exemple, notre pêcheur marseillais Max est l’un des deux seuls habitants à avoir encore un attelage de chiens. Les autres se déplacent en motoneige pour simplifier leurs déplacements.
Dans les autres changements, il y a aussi la souffrance des jeunes dû à la solitude. “Nous avons vraiment vu le mal-être des jeunes Inuits, rapporte le Toulonnais. C’est la fin d’une époque, d’une civilisation. Nous étions heureux de découvrir ce peuple, mais notre joie était teintée de mélancolie car nous avons vu la transformation qui s’opérait au sein de ce peuple.”
Malgré ces évolutions perçues, leur découverte du Groenland fut l’un des plus beaux souvenirs de nos cinq aventuriers. Ce moment hors du temps a marqué chacun pour la suite de l’aventure.
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Les grandes observations scientifiques
Les objectifs scientifiques de l’expédition sont l’étude de la pollution plastique en mer, des courants marins, des planctons et le déploiement des bouées dérivantes pour les modèles météorologiques. La suite a été très prometteuse grâce aux prélèvements de plancton faits dans des zones autour du Groenland. L’ensemble des prélèvements ont été envoyés à la station marine de Concarneau pour des observations plus poussées.
Concernant la pollution plastique en mer, les résultats sont saisissants. À chaque prélèvement, les cinq navigateurs trouvaient du plastique. Le pire était en Méditerranée : à cause de sa forme en vase clos, il y a une forte accumulation de plastiques et de déchets. “Deux sentiments se mêlent à ces observations : la joie de voir l’intérêt de nos prélèvements mais aussi la tristesse de voir l’état déplorable d’un milieu de que l’on aime” confie Pierre-Alexandre. Les données relevées ont ensuite été communiquées à Ocean Clean Up, l’un de leurs partenaires. “Nos observations vont permettre d’avoir un tableau de la répartition plastique dans les zones où nous avons navigué”.
L’exploitation des données servira aussi à l’école d’ingénieur Central SupElec (région parisienne) – où Pierre-Alexandre a étudié. Ces informations serviront à affiner et calibrer des modèles de formules mathématiques. Il sera ensuite possible de modéliser la répartition de plastique dans les océans afin de lutter contre la pollution par la suite. Il est encore trop tôt pour avoir des résultats concrets mais les données collectées sont prometteuses !
Une aventure humaine et éducative
Cette année de navigation a permis d’entretenir des liens étroits avec l’association Le Rocher et d’embarquer des jeunes issus de milieux défavorisés à bord. “Après une petite pause, nous avons renoué nos liens avec le Rocher à Lorient où l’association possède une antenne” raconte le skipper. Trois jeunes et une éducatrice ont ainsi embarqué pour un week-end pour partager la vie en mer des cinq matelots. “C’était épique mais ce temps avec eux s’est très bien passé !”. Un autre jeune de Marseille et son éducatrice les ont rejoints pour parcourir quatre jours en mer près des Îles Baléares.
Les cinq jeunes hommes ont aussi donné une portée éducative à leur périple en créant le programme pédagogique Le Petit Explorateur Nerrivien, qu’ils ont diffusé à plusieurs écoles de l’académie de Toulon, dont l’institution salésienne Bon Accueil. Ils ont continué à le publier tout au long de leur trajet, notamment au Groenland. “Nous nous sommes bien amusés à le faire !” se souvient Pierre-Alexandre. Mais nous n’avons pas tout dévoilé car nous avons d’autres projets en tête, notamment avec des vidéos filmées là-bas.”
L’équipage a gardé le lien avec les enfants grâce à cette revue mais aussi en faisant des visios à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Les retrouvailles avec les enfants ont eu lieu à leur retour au port de Toulon. Les écoliers sont venus les accueillir et les acclamer avec leur famille. “Ils avaient amené des posters, les revues du Petit Nerrivien, ils nous demandaient des autographes et nous appelaient par nos surnoms de navigation, ils nous regardaient avec des étoiles dans les yeux… Nous avions l’impression d’être des stars !” se souvient le navigateur.
À peine après avoir mis un pied à terre, Pierre-Alexandre, Thibault, Victor, Gauthier et Temanu sont partis visiter durant deux semaines les classes où leur journal de bord avait été diffusé. Ils ont pu leur raconter leurs dernières péripéties, répondre à leurs questions et prendre conscience de l’amplitude des messages transmis.
“C’est beau de se rendre compte du regard qu’il porte sur nous, de leur vision de la mission Nerrivik. Nous avons pu leur prouver que rien n’est impossible, qu’il faut avoir cette petite graine de folie et qu’ils peuvent, comme nous, réaliser de très belles choses accompagnées de grandes valeurs comme l’amitié. C’était très émouvant !”
Et après ?
Le retour fut dur pour certains, plus doux pour d’autres. Mais la réalité est rapidement revenue par les projets divers de chacun : retrouver un travail, rédiger un mémoire ou encore transformer une maison en chambre d’hôtes.
“Après un an en mer, nous avions besoin de couper avec Nerrivik, explique Pierre-Alexandre. Nous avons laissé de côté l’association et le bateau est toujours au port. Mais nous avons des idées à concrétiser dans les prochains mois !”
Marie-Hermine GAY
Note : Depuis la fin de l’aventure Nerrivik, le Bernick a repris du service ! En septembre, l’équipage de Pierre-Alexandre a fait un premier week-end de découverte de la navigation avec des jeunes de La Navarre et le père Jean-Marie Petitclerc. En octobre, un nouvel équipage partira avec le célèbre bateau sur les traces d’Ulysse en Méditerranée orientale. L’expédition durera trois mois et mènera des missions scientifiques et éducatives. À suivre !