« Nos jeunes ont besoin d’adultes qui les écoutent et ne les jugent pas » : la première interview du nouveau recteur majeur des salésiens, don Fabio Attard
12 avril 2025

« Le malheur des mineurs détenus est de naître dans le mauvais berceau » (…)
« Nos jeunes ont besoin d’adultes qui les écoutent et ne les jugent pas » (…)
« Dans tous les oratoires salésiens du monde, nous essayons, à la suite de Don Bosco, d’aimer les jeunes » (…)
« Les jeunes ont besoin d’être écoutés et non de discours » (…)
« Chez tous les jeunes d’aujourd’hui, il y a une demande de sens qui crie dans leur cœur »
Le père Fabio Attard, nouveau recteur majeur, 11e successeur de saint Jean Bosco, a répondu aux questions des journalistes de l’Avvenire, le grand quotidien italien. Pour lui, dans la fidélité à Don Bosco, on ne peut pas « être passionné pour Jésus-Christ sans se consacrer aux jeunes » : « C’est le cœur de notre vocation salésienne. C’est d’ici, de Turin où le charisme salésien est né aux côtés des jeunes les plus fragiles et les plus nécessiteux, que nous voulons repartir ».
Votre première sortie en tant que recteur majeur, vous avez voulu la faire à l’Institut pénitentiaire pour mineurs « Ferrante Aporti » de Turin, où Don Bosco rendait visite aux « garçons indisciplinés et en danger » qui y étaient détenus. Pourquoi ?
Fabio Attard : C’est dans une prison pour mineurs que le Système Préventif de Don Bosco est né et de Turin, où le charisme salésien est né, nous voulons continuer à être aux côtés des jeunes qui ont eu moins, car, comme nous l’a recommandé notre fondateur, « chez chaque jeune, même le plus malheureux, il y a un point accessible au bien et le premier devoir de l’éducateur est de chercher ce point, cette corde sensible du cœur et d’en tirer bénéfice ».
J’ai rencontré les jeunes détenus, dont la plupart sont des étrangers de confession musulmane. Ce fut une rencontre très significative et émouvante, j’ai parlé avec certains d’entre eux en arabe et j’ai été convaincu, comme le disait notre confrère P. Domenico Ricca, aumônier historique du « Ferrante » pendant 40 ans, que le malheur des mineurs détenus est de naître « dans le mauvais berceau ».
Comme l’écrivait Don Bosco dans ses Mémoires de l’Oratoire lorsqu’il disait que, à Turin dans le XIXe siècle, où il y avait de nombreuses similitudes avec les périphéries du monde d’aujourd’hui, il était nécessaire de donner de l’espoir aux jeunes les plus fragiles et les plus pauvres.
Que comprenait Don Bosco derrière les barreaux ?
Fabio Attard : Il écrivait : « Voir des foules de jeunes, âgés de 12 à 18 ans, tous sains, robustes, à l’esprit brillant, mais les voir là oisifs, rongés par les insectes, manquant de pain spirituel et temporel, était quelque chose qui m’a horrifié : Qui sait – me suis-je dit – si ces jeunes avaient un ami à l’extérieur qui s’occupait d’eux, les assistait et les instruisait dans la religion pendant les vacances, qui sait s’ils ne pourraient pas éviter la ruine ou au moins réduire le nombre de ceux qui retournent en prison ? J’ai communiqué cette pensée au P. Cafasso (son père spirituel, patron des prisonniers, confesseur des condamnés à mort, NDLR) et avec ses conseils et ses lumières, j’ai commencé à envisager les moyens de la réaliser ».
Nous sommes en 1855 à la « Generala » (c’était le nom de la prison pour mineurs de Turin, aujourd’hui « Ferrante Aporti ») : ici Don Bosco rend visite aux jeunes détenus et c’est à partir de ces après-midis passées à jouer et à dialoguer avec eux qu’il invente le Système Préventif. C’est pourquoi, depuis lors, les aumôniers du « Ferrante » sont salésiens et nous essayons, à la suite de Don Bosco, comme on fait dans tous les oratoires du monde, d’aimer les jeunes : « vous obtiendrez plus à travers un regard de charité, une parole d’encouragement que par beaucoup de reproches », écrit encore notre saint.
Après tout, le pape François, en ouvrant la deuxième Porte Sainte, après la Basilique Saint-Pierre, dans la prison de Rebibbia, nous a montré où nous devons apporter espérance et consolation. Et la preuve que Don Bosco avait raison et que nous n’avons rien d’autre à inventer que de suivre son charisme, c’est que les jeunes les plus pauvres et les plus difficiles, comme ceux que j’ai rencontrés dans la prison de Turin, m’ont écouté attentivement, avec des yeux alertes. Et quand je suis parti, ils m’ont dit : « Reviens vite ! ».
Nos jeunes ont besoin d’adultes qui les écoutent et ne les jugent pas.
Vous avez passé 12 ans de votre vie en tant que conseiller général pour la pastorale des jeunes, parcourant le monde. Qu’ont en commun les jeunes ? Que recherchent-ils et quelles sont les réponses des Salésiens ? Comment parler de Jésus aujourd’hui aux nouvelles générations ?
Fabio Attard : Ce que les jeunes de toutes les latitudes ont en commun, c’est l’absence très grave d’adultes significatifs qui ont la patience de respecter la progressivité de leur croissance, qui ne planifient pas leur vie. Les enfants, les garçons et les filles, de la part des parents, des éducateurs, des enseignants, de nous les salésiens et de tout adulte aujourd’hui, ont besoin d’« oreilles » et non de « langues », ils ont besoin d’être écoutés et non de discours.
Lorsque les jeunes comprennent qu’il existe une relation authentique, ils trouvent l’espace pour laisser sortir ce qu’ils ont dans leur cœur. Ils vous demandent alors : « Professeur, avez-vous cinq minutes ? Père, avez-vous cinq minutes ? » Et donc je dis toujours à mes Salésiens : « Quand un jeune vous demande du temps, laissez tomber tout ce que vous faites et demandez-lui : salut, comment vas-tu ? ». Cette question est une demande de compréhension.
Et si vous, en tant qu’adulte, trouvez ces cinq minutes, le jeune se sentira écouté et accueilli, comprendra que vous l’attendiez… Quand le jeune vous cherche, nous ne pouvons pas ne pas être là. Ce « avez-vous 5 minutes » vient de loin… Et à partir de là, nous pouvons commencer à parler de Jésus, en répondant à leurs questions de sens, car chez tous les jeunes d’aujourd’hui, il y a une demande de sens qui crie dans leur cœur. Nous devons devenir des mendiants de leurs demandes de sens.
Père Fabio, que signifie avoir été élu XIe Successeur de Don Bosco et quel est l’état de santé de la famille que vous vous apprêtez à animer ?
Fabio Attard : Si l’on regarde les chiffres, il est clair que l’on ne peut s’empêcher de constater que nous sommes moins qu’il y a dix ans ; mais si nous considérons le sens que le charisme de Don Bosco peut avoir à l’époque où nous vivons, alors il n’y a aucun doute : l’état de santé de notre Congrégation est que la proposition de notre fondateur, qui a commencé ici à Turin, avec la force de l’Esprit, est toujours vivante. Il a commencé et nous devons aller de l’avant et la protéger. Nous sommes convaincus que c’est notre chemin, les jeunes nous le demandent : le grand défi est de savoir comment décliner le charisme, qui est un don de l’Esprit, en ce temps qui nous demande – comme le dit le Pape François – d’entrer en dialogue avec le monde, avec les différentes cultures. C’est ce que nous essayons de faire : dans nos écoles et dans les oratoires disséminés dans le monde, il y a des jeunes de toute foi et de toute religion. Le message de Jésus est clair : nous accueillons tout le monde, mais nous ne perdons pas notre identité. Nous devons être attentifs aux jeunes d’aujourd’hui qui vivent, comme le prévient le pape, dans un changement d’époque, et non dans une époque de changements.
Soyons attentifs à ce que les jeunes recherchent : ce n’est plus ce que leurs parents ou nous, les éducateurs, nous recherchions. C’est seulement ainsi, je le répète, que nous serons de bons Salésiens et de bons adultes, si nous écoutons de manière contemplative le cœur des jeunes, sans donner immédiatement de réponses, mais en essayant avant tout de comprendre leurs questions.