P. Jean-Marie Petitclerc, prêtre et éducateur : « Promouvoir la laïcité, prévenir la violence, c’est éduquer au respect »
23 octobre 2020
L’odieux assassinat de Samuel Paty a bouleversé notre pays et chacun d’entre nous. Ce drame nous questionne tous et l’on voit notamment être évoquée de nouveau la question de la laïcité. Pour Jean-Marie Petitclerc, salésien prêtre, directeur de Don Bosco Action sociale (DBAS), cette question est importante : il s’agit d’éduquer à la vraie laïcité, c’est-à-dire au respect de chacun.
« À l’heure où notre pays connaît des événements dramatiques – et comment ne pas d’abord songer à la peine immense de la famille et des collègues de ce professeur d’histoire lâchement assassiné lorsqu’il rentrait de son domicile, la question de la laïcité revient sur toutes les lèvres. Mais je crois qu’il existe deux conceptions de la laïcité. La première, qui s’inspire de la loi de 1905 et est inscrite dans la Constitution de notre République, stipule que l’État soit garant de la liberté d’expression et de pratique religieuse, avec bien sûr comme limite le trouble à l’ordre public. La laïcité est ce qui permet la fraternité, chacun étant respecté dans ses convictions, qu’il soit croyant ou incroyant. Il s’agit d’une laïcité de la concorde sociale.
Mais il existe une deuxième conception de la laïcité. Le laïcisme. Elle est apparue à la fin du XIXe siècle, à une époque où l’Église catholique exerçait un véritable pouvoir sur les esprits. Reconnaissons que tel n’est plus le cas aujourd’hui. Il s’agit alors d’une laïcité, non pas de la concorde, mais du combat. Les tenants de cette deuxième ligne souhaiteraient éradiquer, en quelque sorte, le fait religieux. Il ne s’agit plus alors, pour les institutions de la République, d’être garantes de la liberté de chacun à exprimer ses convictions de foi, mais d’interdire en leur sein toute forme d’appartenance à un courant religieux. Et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la laïcité est alors érigée en une sorte d’idéologie anti-religieuse, bien éloignée de la conception de la loi de 1905.
Éduquer à la vraie laïcité, c’est éduquer au respect de chaque personne, quelles que puissent être ses convictions religieuses ou athées. Bien sûr, respecter la personne ne signifie pas devoir tolérer tous les actes qu’elle pose. On peut être respectueux de la personne, tout en étant intolérant face à des actes de délinquance ou de violence. Dans la pratique de mon métier d’éducateur spécialisé, je crois avoir toujours su respecter les jeunes que j’ai accompagnés, même lorsque je les reprenais vertement sur des actes que je jugeais inadmissibles.
Dans l’esprit de Don Bosco, la prévention de la violence passe par l’éducation au respect. Si je veux apprendre au jeune à respecter l’autre, il me faut d’abord le respecter. Si nous voulons, dans notre République laïque, exiger de tous les musulmans qu’ils respectent ceux qui ne partagent pas leurs convictions religieuses – et c’est d’ailleurs le cas de la grande majorité d’entre eux – il nous faut d’abord respecter leurs convictions, même si elles ne sont pas nôtres, et cesser de vouloir à tout prix désacraliser ce qui, à leurs yeux, est sacré. Le but de la laïcité, c’est la concorde et non la division, la fraternité et non la fracture. Promouvoir la laïcité, prévenir la violence, c’est éduquer au respect. »
P. Jean-Marie Petitclerc
Cette chronique a été diffusée sur RCF mercredi 21 octobre 2020, dans la rubrique « La chronique des Salésiens