Valoriser l’éducation informelle… Comment ? Ou comment éduquer « l’air de rien »
20 juillet 2018
Les interventions éducatives des adultes sont formalisées dans des programmes, mais il restera toujours des espaces et des moments qui donnent du jeu pour la spontanéité. On parle alors de pédagogie informelle ou non-formelle. Dans les écoles salésiennes on parle de pédagogie « du patio » ou « de la cour de récré ». Don Bosco y était très sensible. Qu’est ce qui caractérise cette pédagogie non formelle ? Comment y être attentif ?
Une disponibilité à l’écoute et une capacité à la relation
En famille, à l’école, il y a des moments formellement éducatifs : un cours, des services à exécuter, un horaire à respecter… et il y a aussi d’autres moments, spontanés, informels. Leur force tient au fait que c’est souvent l’enfant ou l’adolescent qui prend l’initiative de la relation. Sa démarche de confiance est rendue possible par la qualité de présence de l’adulte, parent ou professeur, qui manifeste une disponibilité à l’écoute et une capacité à une relation. Cela se passe entre les cours ou pendant la vaisselle. Le jeune vous surprend en venant vous poser des questions brûlantes au moment délicat où vous vous concentrez pour retirer le gratin du four !
La pédagogie informelle s’exerce sur des lieux de passages
Les jeunes passent huit heures par jour dans leur établissement scolaire… mais ce n’est pas la classe qu’ils ressentent comme lieu de vie, ce sont : un banc à l’écart, un coin d’herbe, une cage d’escalier, un recoin, un hall d’entrée, les toilettes, une table au foyer. Ils s’approprient souvent des lieux de passage. C’est là qu’ils partagent leur monde et parlent de ce qui leur importe : le film ou le match de la veille, la sortie du samedi, les couples qui se font et se défont autour d’eux. Ce sont des espaces où ils laissent leur corps s’exprimer, ils jouent à la bagarre, ils font des approches entre garçons et filles, ils créent un peu d’intimité. Ils se transmettent des valeurs, des découvertes, ils se constituent une culture en perpétuelle évolution. Ce sont des « entre deux » : entre deux cours, entre deux classes. Dans cet entre-deux, il y a l’espace du jeu : un vide qui permet de déplacer les pièces de la vie. Ces lieux informels de passage renvoient à l’espace de transition qu’est l’adolescence.1
Pour les adultes, une nouvelle posture à acquérir
Certains établissements scolaires offrent des lieux comme le foyer ou une salle de loisirs que les jeunes peuvent s’approprier, avec leur musique ou leurs posters. Là, les professeurs peuvent passer, être interpelés, sans perturber ou être ressentis comme intrusifs. Pour Annick Collet, Adjointe en Pastorale Scolaire au lycée Notre Dame d’Annay à Lille : « La salle de loisir est un lieu de pédagogie informelle par excellence ». Le foyer est un des poumons du lycée pour François Callu, responsable du foyer de l’Institut Lemonnier depuis 1989 : « Le foyer est indispensable pour aider les jeunes à s’engager dans leur école : faire aimer le travail passe aussi par une façon réfléchie de gérer intelligemment les loisirs. »
Quizz : la pédagogie informelle en 4 questions :
- A l’école : Quels sont les lieux que les élèves s’approprient ? Prévoit-on des espaces qu’ils peuvent investir et se sentir chez eux ? Où peuvent-ils, pendant les temps libres, aborder les professeurs et éducateurs « sur le même terrain » ?
- Dans la rue : Y a-t-il des espaces que les jeunes « squattent », abribus, parc, square, pistes de jeux ?
- Cour virtuelle : quelles initiatives pour ne pas laisser les jeunes trop seuls ?
- En famille : Y a-t-il des moments où papa et maman sont disponibles – ou se rendent disponible… même quand ce n’est pas le « bon moment » ?
Don Bosco et la présence de l’adulte dans la cour de récréation
Don Bosco montre, dans une lettre écrite en 1884, l’importance de la présence des adultes dans la cour de récréation : des personnes qui dynamisent un jeu ou qui connaissent tel ou tel jeune en profondeur, des adultes à même de glisser à tel ou tel jeune une parole à l’oreille pour l’encourager ou pour l’avertir.
Il y a dans les écoles bien des raisons pour les professeurs de ne pas être présents sur la cour, ne serait-ce que pour souffler entre deux plages de cours, vérifier son matériel, et rencontrer les collègues avec qui on fait équipe. Mais les moyens, petits et grands, sont nombreux pour vivre des moments de proximité par des initiatives comme une sortie culturelle, une compétition sportive, une heure de jeu, ou une simple présence hebdomadaire de quinze minutes sur la cour de récréation…
1 : Aurélie Maurin, intervenue au Congrès de l’éducation salésienne en 2014, interroge dans ses recherches ces espaces et temps informels dans les institutions éducatives pour adolescents, en regard des processus de construction identitaire propres à cet âge de la vie.
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