Comment encourager la vie spirituelle de son ado ? | Entretien avec Père Jean-Marie Petitclerc
29 septembre 2023
A l’occasion de la sortie de l’ouvrage Les grandes étapes de la vie spirituelle de nos enfants, écrit par les membres de la famille salésienne et publié aux éditions Mame, le média Aleteia s’est entretenu avec Père Jean-Marie Petitclerc, salésien de Don Bosco et éducateur, sur l’éveil à la foi des jeunes.
Propos recueillis par Mathilde de Robien.
Parce qu’il n’est pas évident de savoir comment nourrir la foi d’un adolescent, voici des pistes concrètes pour l’aider à développer sa vie intérieure et se rapprocher du Christ.
« L’adolescence est une crise de la relation », explique le père Jean-Marie Petitclerc, prêtre salésien et éducateur spécialisé, coordinateur du réseau Don Bosco Action sociale. « Crise de la relation avec ses parents, avec les adultes en général mais aussi vis-à-vis de Dieu. C’est l’âge de la déception. De la même manière qu’un adolescent se rend compte que ses parents ne sont pas des êtres parfaits, il abandonne les représentations enfantines qu’il se faisait de Dieu pour construire une autre relation, plus mature. » Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain. Durant cette période, la foi d’un adolescent peut être sévèrement ébranlée : moments de doute, perte de sens, désert spirituel…
Pourtant, quel que soit l’âge, le Christ continue de frapper à la porte. Tout l’enjeu des parents, des éducateurs, consistent à maintenir le lien qu’a le jeune, même s’il est fragile, avec le Christ. « Quelle que soit l’ampleur de la crise par rapport à Dieu, il est bon de maintenir vif le questionnement de l’adolescent vis-à-vis de la foi, d’entretenir cet esprit de recherche, cette quête de Dieu, qui l’amènera à dépasser ses représentations de l’enfance et à construire sa propre vie spirituelle », souligne Jean-Marie Petitclerc. « Car s’il n’y a pas de raison de croire, il n’y a pas de raison de ne pas croire ! »
Mais comment parler de Jésus à son ado sans le braquer ? Comment lui donner envie de suivre le Christ sans que ce soit « papa et maman » qui l’obligent ? Don Bosco, « père et maître de la jeunesse » selon les mots de Jean Paul II, donne un sérieux coup de pouce aux malheureux parents ! Et les éditions Mame viennent de publier un ouvrage très complet, Les grandes étapes de la vie spirituelle de nos enfants, écrit par une équipe d’éducateurs et de parents inspirés par don Bosco, sous la houlette du père Jean-Marie Petitclerc. Un livre qui donne des pistes concrètes pour répondre, selon leur âge, aux besoins spirituels des enfants.
L’inviter à passer du temps dans la nature
« Nul ne peut rencontrer Dieu dans le bruit », affirme le père Jean-Marie Petitclerc. D’où la nécessité d’offrir à un jeune des espaces de silence, loin des sollicitations permanentes de son téléphone. Une forêt, le calme, peu de réseau ou plus de batterie à son téléphone… Voici les conditions idéales pour nourrir un tant soit peu la vie intérieure d’un adolescent. « Le téléphone portable se présente souvent comme un obstacle pour vivre une expérience profonde d’intériorité et de silence », regrettent les auteurs du livre.
« Être plongé au milieu de la nature dans toute sa splendeur et ses aléas permet de se connecter ou de se reconnecter avec soi-même, avec les autres et avec le Créateur à bien des égards », soulignent les éducateurs. Cela demande parfois un peu d’énergie pour convaincre un adolescent de quitter son canapé, mais l’expérience est bienfaisante. « Vidé de tout ce qui l’encombre au quotidien, le jeune pense et rumine beaucoup sans pour autant pouvoir agir et intervenir directement sur les situations qui lui stimulent l’esprit. Entre le chant des oiseaux et le souffle du vent, tout conspire à alimenter sa vie intérieure ».
Outre la découverte d’une vie intérieure, le contact avec la nature libère bon nombre d’émotions chez un jeune. Un aspect libérateur car à cet âge, il est fréquent que les émotions s’amassent à l’intérieur de soi, sans pouvoir s’exprimer. Or la nature invite à l’émerveillement, à la gratitude, devant un beau paysage par exemple, à une fierté bien méritée lorsqu’un sommet est atteint. Elle peut aussi dérouter et faire goûter au jeune un sentiment d’insécurité ou de petitesse, loin d’être négatif. « La nature remet souvent le jeune à sa juste place. Face à l’immensité de la mer ou de la montagne, elle lui rappelle sa petitesse », constatent les auteurs.
Lui proposer de s’engager auprès des plus faibles
« L’adolescent ne supporte pas les injustices. Il est très sensible aux minorités et à l’accueil de tous. Il est prêt à assurer sa responsabilité dans la société et dans le monde pour défendre les faibles et les exclus ». Si cette fibre est effectivement présente chez son ado, pourquoi ne pas lui proposer de s’engager dans une association ou auprès de la paroisse, pour venir en aide aux plus pauvres ou à des personnes seules, âgées ou handicapées ?
Même si le jeune n’en prend pas conscience tout de suite, c’est aussi une belle manière de rencontrer le Christ, comme l’évoque ce passage de l’Évangile de saint Matthieu :
« Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?” Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” » (Mt 25, 37-40)
Le pousser à vivre sa foi à travers des amitiés
« Tous les mouvements d’Église et les paroisses ont beau user d’inventivité pour attirer les ados, c’est d’abord l’invitation par un ami qui motivera un jeune pour participer à une proposition pastorale et spirituelle », constatent, lucides, les auteurs. « L’amitié avec le Christ passe d’abord, à cet âge, par l’amitié avec le groupe de copains et de copines. » Mais encore faut-il avoir des amis qui aient la foi !
Les occasions ne manquent pas pour tisser des liens d’amitié entre jeunes chrétiens. Reste à motiver son ado à les saisir ! Bien sûr il y a eu les JMJ à Lisbonne cet été, mais d’autres événements s’y prêtent aussi très bien : le scoutisme, le Frat, ou toutes propositions locales rassemblant des jeunes. « Cette amitié vécue dans la foi partagée par des temps de prière, de célébration, de veillée de réconciliation, mais aussi par tous les autres moments informels de jeux et de convivialité, ancre souvent l’adhésion au Christ. »
Lui faire découvrir des grands témoins de la foi
À cet âge, les témoins possèdent une grande importance. « C’est souvent en étant rejoints par des témoins qui osent s’exprimer sur leur vie spirituelle que les adolescents se sentent interpellés », soulignent les éducateurs. Il s’agit de leur faire découvrir la vie des saints, mais aussi, plus proches d’eux, des témoignages marquants. Comédiens, joueurs de foot ou de rugby, anciens toxicomanes… ou tout simplement de beaux chemins de conversion. Autant de témoignages que Aleteia relaye régulièrement dans sa rubrique « Belles Histoires ».
« L’interpellation s’avère d’autant plus forte lorsqu’il s’agit de témoins de leur âge », précisent les auteurs. Raison pour laquelle don Bosco avait entrepris la rédaction de biographies d’adolescents dont la vie spirituelle l’avait profondément marqué. Voici comment il a préfacé son livre consacré à saint Dominique Savio : « Si vous trouvez des choses admirables, ne vous contentez pas de dire : “C’est beau, ça me plaît !” Dites plutôt : “Je vais m’efforcer d’accomplir moi-même ce que j’ai lu à propos d’un garçon de mon âge qui a provoqué mon étonnement.” » Un excellent départ sur le chemin de la sainteté !