La transmission du savoir, un enjeu éthique | RCF Radio

7 mars 2025

La transmission du savoir, un enjeu éthique | RCF Radio

Privilégier une présence physique plutôt qu’un écran pour transmettre un savoir et accompagner les jeunes. Leur donner le temps pour les aider à s’ouvrir et à toujours chercher la vérité. « La transmission du savoir, un enjeu éthique » est le thème de ce rendez-vous « à la croisée des chemins. » Séverine Jahan reçoit le père Jean-Marie Petitclerc, prêtre salésien, et Bertrand Roumier, professeur agrégé de philosophie à la prépa Carnot de Dijon, sur RCF radio.

Sur l’antenne de RCF pour parler de l’importance de la transmission, le père Jean-Marie Petitclerc, salésien de Don Bosco, a gardé intact sa volonté de se consacrer à la jeunesse : « Don Bosco m’a livré sa colère, son regard et son engagement : sa colère vis-à-vis de tous ces gamins livrés à eux-mêmes dans la rue ; son regard sur le jeune, convaincu que chaque jeune est porteur de talent et que la mission de l’éducateur consiste à révéler ces talents, et son engagement au service de la jeunesse, pour une éducation intégrale, avec cette méthode préventive – mieux vaut prévenir que réprimer. » Quant à Bertrand Roulier, il a découvert avec joie qu’il aimait comprendre les philosophe pour les faire comprendre à d’autres : « J’essaie d’être à la hauteur de ce que j’ai reçu de la part de certains professeurs qui m’ont beaucoup marqué » explique-t-il.

Accompagner le jeune

Père Jean-Marie Petitclerc

Dans un monde en perte de confiance dans l’Homme, s’interroge la journaliste, comment intéresser les jeunes à la recherche de la vérité ? « Il me semble qu’il faudrait remonter au XIXe siècle et à cette crise qu’a connu l’Occident et que l’on a nommé le nihilisme, qui est cette espèce de fatigue d’exister. Une fatigue d’être, le sentiment que l’Homme occidental était arrivé au bout d’un cycle » souligne Bertrand Roumier, qui espère que l’enseignement est l’un des moyens pour prémunir les élèves de ce sentiment. « Nous vivons une période de mutation, appuie père Jean-Marie Petitclerc, qui a consacré un ouvrage à la question de la transmission. La tendance de certains modernes est d’effacer le passé, alors qu’il faudrait, aujourd’hui, le réinventer. Don Bosco aimait comparer l’art de la transmission à l’art du jardinage : permettre aux jeunes de prendre racine dans cet héritage culturel, familial, social, religieux, de manière à éclore. La transmission est transmettre un héritage et accompagner le jeune ».

En s’appuyant sur le philosophe français Pascal Engel, Séverine Jahan nous rappelle que l’éthique devrait être capable de nous donner des directives sur ce que nous sommes supposé faire et nous dire ce qui est bon ou mauvais. « Le professeur doit être, autant que possible, un maître qui donne envie d’apprendre. Il faut amener l’élève à quelque chose de plus haut, qui le dépasse et qui nous dépasse. Le devoir de transmettre existe peut-être d’abord vis-à-vis de ceux qui nous ont transmis. ce que nous avions reçu, nous n’en sommes pas les propriétaires et par conséquent, nous avons à apporter ce que nous avons reçu » rappelle Bertrand Roumier. « Au-delà des questions de bien ou de mal, il est important de demander aux jeunes s’ils aimeraient qu’on leur fasse ce qu’ils font. Quand je vois un ado pianoter sur son téléphone, je lui demande toujours  : ‘mets-toi dans la peau de celui qui va recevoir ce message. Être habité par ce réflexe, ton téléphone peut être un formidable outil de communication’. »
Face à des jeunes en grande souffrance, père Jean-Marie Petitclerc aime les amener marcher ou faire de la voile avec l’association Diamond, afin de leur permettre de se décentrer et de voir les choses sous un autre angle. L’ouverture à l’autre, à la beauté du monde, peut aider à sortir de la noirceur.

« La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité » – Jean-Paul II dans Fides et ratio

Mais est-il possible aujourd’hui d’éduquer au beau et à la paix intérieure ? Père Jean-Marie Petitclerc est frappé de voir des jeunes en difficulté se mettre au service de ceux qui sont plus en difficulté qu’eux, comme lors des maraudes auprès des SDF : « le drame de l’exclusion aujourd’hui, c’est lorsque le jeune se sent complètement inutile » précise-t-il, insistant sur l’importance de responsabiliser. Une méthode mise en place par Don Bosco lui-même et poursuivie par les salésiens, pour qui la relation de confiance avec le jeune est centrale. « Dans l’Evangile selon saint Marc chapitre 4, Dieu envoie la graine de Sa parole partout. C’est à nous, jardinier, de faire ne sorte que la terre soit meilleure. » De son côté, Bertrand Roumier souligne l’importance de la parole et du dialogue : « il faut que le cours soit, si possible, original, dans le sens que le professeur l’a totalement élaboré et dans lequel il est complètement engagé ; il doit être incarné, c’est-à-dire que, du seul fait que nous soyons rassemblés dans un même lieu, une véritable interaction est possible ». D’autant que les jeunes sont très sensibles à la cohérence entre les paroles et les actes.

Le rôle de la pédagogie est à la fois de sécuriser l’enfant et de responsabiliser l’adulte qu’il sera demain. Au contact des jeunes depuis des années, le père Jean-Marie Petitclerc et Bertrand Roumier ont la chance de voir ces jeunes se construire, et, finalement, s’élever.

Revue de presse