P. Jean-Marie Petitclerc sur RCF : « La place des jeunes des quartiers sensibles »

17 juin 2022

P. Jean-Marie Petitclerc sur RCF : « La place des jeunes des quartiers sensibles »


Chaque mercredi matin, RCF diffuse sur ses ondes nationales la chronique des Salésiens. Cette semaine, le père Jean-Marie Petitclerc, salésien de Don Bosco, éducateur, coordinateur du réseau Don Bosco Action Sociale (DBAS), nous propose : « La place des jeunes des quartiers sensibles »

J’aimerais revenir sur la couverture médiatique des incidents aux abords du Stade de France lors de la finale de la ligue des champions. Je ne parlerai pas de l’organisation catastrophique, et des erreurs stratégiques en terme de maintien de l’ordre, laissant aux responsables le soin d’évaluer les dysfonctionnements. Mais je voudrais revenir sur la complaisance des médias vis-à-vis de ces agents de la RATP fanfaronnant sur leur fierté d’avoir organisé le chaos et sur les attaques virulentes contre la « racaille » des cités (sic) qui en a profité ! Loin de moi de vouloir banaliser ces agressions de spectateurs tout à fait intolérables et devant être réprimées. Mais ce que je voudrais dénoncer ce matin, c’est le « silence radio » durant toutes les campagnes, présidentielle ou législative, sur les problèmes d’insertion socio-professionnelle des jeunes des cités et le ram-dam médiatique lorsqu’une minorité d’entre elles commet des exactions, en jetant l’opprobre sur l’ensemble de la jeunesse de ces quartiers. Voilà 40 ans que cela dure … et ce discours m’insupporte de plus en plus.

Vous parlez de 40 ans … Pourquoi ce repère historique ?
Rappelons que l’été 1982 fut le premier été qualifié de chaud dans ces quartiers.. Il y eut alors une vraie prise de conscience de la difficulté de cette jeunesse à trouver sa place dans la société. Fut organisée en 1983 une grande marche , qualifiée de « marche des beurs » ; ils partirent à quelques uns de Marseille … et étaient plusieurs centaines à l’arrivée à Paris. Cette marche rencontra le soutien des populations des villes traversées. Était donnée aux politiques l’occasion de se saisir des revendications de cette jeunesse pour bâtir un vrai programme de réhabilitation. Hélas, la gauche, alors au gouvernement, a eu pour seul objectif de récupérer le mouvement, en tentant de l’instrumentaliser. Depuis, le fossé n’a cessé de s’élargir entre la jeunesse de ces quartiers, de plus en plus victimes des trafiquants de drogue, et le reste de la société. Et les quelques politiques, qui surent analyser la situation – je songe en particulier à Pierre Cardo -, n’ont guère été entendus, les gouvernants n’étant sensibles qu’aux propositions de type urbanistique. Mais on voit aujourd’hui les limites d’une approche en termes de seule rénovation urbaine.

Que proposez-vous aujourd’hui ?
Arrêtons ces effets d’annonce sur le thème de la reconquête républicaine. Il serait d’ailleurs intéressant que les politiques communiquent sur l’évaluation de ces programmes … qui n’ont débouché sur aucune amélioration concrète.
Je continue de penser, pour ma part, que l’erreur majeure de la politique de la ville réside dans le zonage, car s’il ne s’agit que de mener des actions dans les quartiers pour les habitants des quartiers, on ne réduit en rien le phénomène de ghettoïsation. Rappelons l’exemple de Jean Bosco, qui, révolté par le sort des jeunes des faubourgs de Turin, dont beaucoup croupissaient en prison suite à des larcins et étaient déjà traités de « racaille » par les habitants du centre ville, ne cessa, avec eux, de construire des liens avec les acteurs économiques et politiques de son époque. L’urgence aujourd’hui consiste à mener une véritable politique de la ville, en créant du lien entre les quartiers et en particulier entre les jeunesses des différents quartiers appelés à bâtir ensemble la France de demain.

Jean-Marie Petitclerc

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