P. Jean-Marie Petitclerc sur RCF : « prévenir le séparatisme »
25 février 2021
Chaque mercredi matin, RCF diffuse sur ses ondes nationales la chronique des Salésiens. Cette semaine, le père Jean-Marie Petitclerc, salésien de Don Bosco, éducateur, coordinateur du réseau Don Bosco Action Sociale (DBAS), nous propose : « prévenir le séparatisme ».
Durant plusieurs semaines, nos parlementaires ont étudié le projet de loi contre le séparatisme, qualifié maintenant de loi destinée à conforter les principes républicains.
L’enjeu central réside bien dans cette lutte contre la fragmentation de notre société, dont nous constatons aujourd’hui les ravages dans certaines de nos banlieues, comme vient de le dénoncer ce professeur du lycée de Trappes, même si certains élus locaux préfèrent se boucher les yeux, le plus souvent pour des considérations d’ordre électoral.
Pour ma part, fidèle à la pensée éducative de Don Bosco, je dirais qu’aujourd’hui l’enjeu principal réside dans la prévention du séparatisme.
Qu’entendez-vous par là ?
J’entends par là l’éducation à la fraternité. Les principes républicains, dont il ne cesse d’être question aujourd’hui, se résument dans la trilogie « Liberté, Égalité, Fraternité ». Mais rappelons que ces trois valeurs ne sont pas de même nature. Si Liberté et Égalité sont de l’ordre du droit, la Fraternité, quant à elle, est de l’ordre du devoir. Ce n’est pas un droit de vivre en frères, c’est un devoir. Et cette valeur constitue peut être la clef de voûte de l’édifice républicain. Car la liberté, sans la fraternité, pourrait virer à la volonté de toute-puissance, et l’égalité, sans la fraternité, à l’instauration d’une idéologie égalitaire.
Mais la difficulté rencontrée aujourd’hui par notre République, c’est : « au nom de quoi imposer ce devoir de fraternité ? » J’entends tellement de concitoyens dire : « Vivre en frère avec les gens de mon village, de mon quartier, de ma communauté, OK. Mais me sentir frère de ceux qui ne partagent pas mes convictions, mon mode de vie, très peu pour moi ! » Mais rappelons-nous que la différence entre l’amitié et la fraternité, c’est qu’on choisit ses amis, alors qu’on ne choisit pas ses frères.
Le pape François, dans l’ encyclique « La lumière de la foi », écrivait que « Dans la modernité, on a cherché à construire la fraternité universelle entre les hommes, en la fondant sur leur égalité. Peu à peu, cependant, nous avons compris que cette fraternité, privée de la référence à un Père commun comme son fondement ultime, ne réussit pas à subsister. Il faut donc revenir à la vraie racine de la fraternité. »[1] Ainsi, pour les chrétiens, « professer Dieu Père » entraîne « vivre en frères ».
Pour vous, la construction de la fraternité est au coeur de la démarche religieuse ?
Savez-vous que le mot « religion » vient du latin « religere », c’est à dire « relier ». Voilà pourquoi j’ai parfois du mal à comprendre que certains politiques placent les religions en ennemis potentiels de la République, alors que celle-ci pourrait les considérer comme alliées, puisqu’elles viennent donner sens à la fraternité. Certes, ne nous bouchons pas les yeux, il peut exister des dérives sectaires, que je qualifierai de fanatisme. Et il est normal que la République se donne les moyens de lutter contre leurs effets si néfastes. Et il serait éminemment souhaitable que tous les croyants les dénoncent avec force. Mais combien il me paraît dommage que la République, par la voix de certains, vienne à assimiler les religions à de telles dérives !
Jean-Marie Petitclerc
[1] Pape François – La lumière de la foi – article 54
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