Le petit lanceur de pierre et le salésien
20 avril 2024
Chers amis,
Je vous écris de Saint-Domingue, en République Dominicaine où un Salésien m’a racontée hier une anecdote qui m’a fait rire, m’a ému et m’a parlé du « cœur salésien », tout à la fois.
Il y a quelques jours, alors qu’il parcourait l’une des routes de l’intérieur de ce pays, ce frère salésien est passé devant un endroit où des enfants avaient pris l’habitude de lancer des pierres sur les voitures pour provoquer de petits accidents (casser une vitre par exemple) et, dans la confusion, voler quelque chose au voyageur.
Eh bien… c’est ce qui est arrivé à mon confrère. Alors qu’il traversait le village, un enfant lui a lancé une pierre pour briser une vitre de sa voiture… et il a réussi ! Le salésien est descendu de la voiture, a pris l’enfant par le bras et s’est fait conduire chez ses parents. Seulement, dans cette famille, il n’y avait pas de père (il a abandonné la famille depuis longtemps). Il n’y avait qu’une mère en souffrance qui s’est retrouvée seule avec son fils et une fillette plus jeune. Quand le salésien a dit à la mère que son fils avait cassé la vitre de sa voiture (ce que le garçon a reconnu), que cela coûtait cher et qu’il fallait rembourser, la pauvre femme en larmes s’est excusée, demandant pardon, mais lui faisant comprendre qu’elle n’avait aucun moyen de payer, qu’elle était pauvre, qu’elle gronderait son fils… À ce moment-là, la petite fille, la petite sœur du « petit Michel Magon de Don Bosco », s’est approchée timidement, le poing serré, l’a ouvert et a tendu au frère salésien la seule pièce de monnaie presque sans valeur qu’elle avait. C’était tout son trésor. Et elle lui dit : « Tenez, Monsieur, pour payer la vitre. » Mon confrère m’a dit qu’il était tellement ému qu’il ne pouvait plus parler et qu’il a fini par donner de l’argent à la femme pour aider un peu la famille.
Je ne savais pas comment interpréter l’histoire, mais elle était à la fois tellement pleine de vie, de douleur, de besoin et d’humanité que je me suis promis de la partager avec vous. Et quelques heures plus tard, tout près de l’endroit de la maison salésienne où je logeais, on m’a montré une autre petite maison salésienne où nous accueillons les enfants sans personne et vivant dans la rue.
La plupart d’entre eux sont haïtiens. Nous connaissons la tragédie qui se déroule en Haïti, où il n’y a pas d’ordre, pas de gouvernement, pas de loi… Seules les mafias dominent tout. Ces enfants sont arrivés ici on ne sait comment ; ils n’ont pas d’endroit où demeurer, ils sont accueillis dans notre maison (20 en tout pour le moment) pour ensuite passer, une fois stabilisés, à d’autres maisons, avec d’autres objectifs éducatifs (différentes maisons où Salésiens et laïcs prennent soin de 90 autres mineurs). Eh bien, savoir tout le bien qu’il se fait m’a rempli le cœur de joie et m’a fait penser que le Valdocco à Turin, avec Don Bosco, est né ainsi, et c’est ainsi que nous sommes nés, nous Salésiens : avec un petit groupe de garçons du Valdocco qui, avec Don Bosco, ont donné la vie « de facto » à la Congrégation Salésienne, le 18 décembre 1859.
Comment ne pas voir « la main de Dieu » dans tout cela ? Comment ne pas voir que tout ce travail est le résultat de bien plus qu’une stratégie humaine ? Comment ne pas voir qu’ici et dans des milliers d’autres lieux salésiens du monde, du bien continue encore à se faire, toujours avec l’aide de nombreuses personnes généreuses et qui partagent la passion de l’éducation ?
Chers amis, 200 ans plus tard, le rêve de Don Bosco se réalise encore.
Oui, cher Don Bosco, ton Rêve continue à se réaliser !
Portez-vous bien et soyez heureux.
Don Ángel Fernández Artime
cardinal, recteur majeur des salésiens,
10e successeur de Don Bosco